Napoléon, les grands moments d'un destin
de Jean Tulard

critiqué par Shelton, le 7 août 2007
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Quel empire ?
Je ne suis pas du club des admirateurs de Napoléon 1er. C’est indiscutable que depuis toujours j’ai les plus grandes réticences envers ce chef politique et militaire de la France qui a entraîné l’Europe entière dans de trop longues et meurtrières guerres. Je ne le dis pas pour plaire à certains ou faire le malin, puisque ce dégoût profond ne m’a pas aidé à un moment de ma carrière professionnelle ayant suivi une école militaire où l’empereur était fêté, chaque année, avec fastes et force recompositions historiques… Ce jour, anniversaire de la bataille d’Austerlitz, je portais le drapeau d’un régiment autrichien, en guise de symbole de rébellion… Mais, j’étais jeune, il y a prescription, maintenant… et, nous pouvons, maintenant, nous pencher sur le fond avec ce très bon ouvrage de Jean Tulard, véritable expert de l’empereur.
Cet ouvrage prend le parti de nous montrer que Napoléon ne s’est pas fait par hasard, mais, que tout au long de sa vie, il a été là où il le fallait, qu’il a pris des décisions importantes quand il le fallait, comme il le fallait, et que, parfois, il a eut, aussi, de la chance… Le livre se lit comme un roman, mais la vie de Napoléon fut, aussi, comme un roman, plus exactement, comme un drame…
« Quel roman que ma vie ! » c’est du moins une phrase qu’on lui prête à la fin de sa vie… Un peu trop beau pour être vrai, mais pas très éloigné de ce que nous montre l’historien à travers des moments clefs…
On va, ainsi, découvrir un Bonaparte proche des indépendantistes corses, un révolutionnaire convaincu ou opportuniste, allez savoir, un amoureux de Joséphine, un militaire sérieux et efficace, un auteur de coup d’état révolutionnaire, dictateur au nom des idéaux révolutionnaires, un athée rétablissant une religion d’état, un aventurier qui commet des erreurs en religion, en politique, dans la gestion militaire de certains conflits, un vaincu qui s’obstine, un ridiculisé qui veut garder la tête haute jusqu’au bout, jusqu’à la mort, jusqu’au retour de ses cendres à Paris dans un grand triomphe posthume…
On peut toujours reprocher à Jean Tulard d’être trop admirateur de l’empereur, il n’empêche que sa conclusion est d’une clarté totale et je ne peux que vous en citer une ou deux phrases :
« La dépendance au hasard que révèlent les pages qu’on vient de lire illustre la faiblesse du régime napoléonien. Il n’a pu s’inscrire dans la durée et a souffert de son instabilité… Il reposait en réalité sur un homme certes exceptionnel, mais vulnérable… Sans doute considérait-il que le mouvement est le plus sûr moyen d’éviter la chute… »
Mais comme Jean Tulard est Napoléonien au fond de lui-même, qu’il ne peut pas s’en cacher, il ajoute, in fine, « Napoléon est seul face au Destin. C’est ce qui fait sa grandeur », phrase qui peut aussi condamner Napoléon à tout jamais car avoir envoyé autant de jeunes européens au néant peut être irrémédiablement condamnable par le Destin, quel qu’il soit !!!
Sommes-nous, encore, à l’abri d’un nouveau Napoléon, Français, Allemand ou Russe ??? C’est la question qui restera dans ma mémoire et mon esprit après cette lecture passionnante qui montre qu’il ne faut pas grand chose pour passer d’un idéal démocratique à une dictature militaire sanguinaire…