La vitesse foudroyante du passé
de Raymond Carver

critiqué par Kinbote, le 20 juillet 2007
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Le temps du poème
Poésie narrative rapportant des morceaux de vie, des sentiments bruts. Labeurs, peines, joies du quotidien sont collectés. Un itinéraire à suivre, l’apparition d’un perce-oreille ou d’une araignée, l’"action" de dormir, l’horaire d’une journée de boulot, une petite chambre, une voiture, une femme s’écroulant dans une cabine téléphonique, le coup de fil d’une mère, la vision d’un champ, et c’est l’occasion pour l’auteur de parler de soi et du monde, d’interroger, le temps du poème, sa conscience sur les enjeux de l’existence et de réaffirmer sa relation aux autres, à l'univers. Puis, comme à la fin de « La fenêtre », tout redevient comme avant. Jusqu’au prochain poème.
« Ce n’est pas simple. C’est aussi simple. »


La fenêtre

Une tempête a soufflé la nuit dernière et a coupé
Le courant. Quand j’ai regardé
Par la fenêtre, les arbres étaient translucides
Penchés et couverts de givre. Un vaste calme
Enveloppait la campagne.
Je n’étais pas dupe. Mais à ce moment-là
J’ai eu le sentiment que jamais de ma vie
Je n’avais fait de fausses promesses, ni commis
Ne serait-ce qu’un seul acte répréhensible. Mes pensées
Étaient vertueuses. Plus tard dans la matinée,
Bien entendu, l’électricité a été rétablie
Le soleil est sorti de derrière les nuages,
Faisant fondre la gelée blanche.
Et tout est redevenu comme avant.
Avec presque rien 10 étoiles

Avec presque rien, de petites choses qui lui donnent à penser, se souvenir, s’en vouloir et des mots, des mots de tous les jours, cet homme-là sans presque y prendre garde fait tout un poème. Et c’est bien.
Un autre :

« Dans le pré cet après-midi, je retrouve
des tas de souvenirs invraisemblables. Le
croque-mort demandant à ma mère si elle
veut acheter un costume pour enterrer mon père avec
ou seulement un manteau, je n'ai pas
à répondre à cette question,
ni à aucune autre. Eh bien, il est entré
dans la fournaise en caleçon.

Ce matin, j'ai regardé sa photo.
Un type massif et râblé dans la dernière année
de sa vie. Qui tient un saumon géant
devant la cabane où il habitait
à Fortuna, Californie. Mon père.
Il n’est plus rien maintenant. Réduit à une coupe de cendres
et quelques petits os. Ce n'est vraiment pas
une façon
de finir sa vie d'homme. »

p. 137

Feint - - 60 ans - 13 avril 2008