Tango
de Elsa Osorio

critiqué par Cameleona, le 4 juillet 2007
(Bruxelles - - ans)


La note:  étoiles
Tango d’hier et d’aujourd’hui
Aujourd’hui, qui aime le tango et le danse un peu en est fier : cette musique, cette danse représentent la beauté, l’élégance, la passion poussées à l'extrême.
Il n’en a pas toujours été ainsi. Lorsque le tango est apparu dans les bordels de Buenos Aires, les hommes de la bonne société qui savaient le danser s’en cachaient bien, et ils taisaient soigneusement ces soirées folles dans les bas-fonds de la ville en compagnie de filles aux jambes agiles...

Elsa Osorio nous entraîne en Argentine au début du siècle : on y fréquente de grands propriétaires terriens ainsi que des familles plus modestes gravitant dans leur orbite, on y assiste à des amours passionnées et bien sûr contrariées et, surtout, à la découverte et à l’irrésistible ascension du tango.
Ironiquement, il aura dû faire fureur à Paris avant d’être enfin considéré comme acceptable dans les salons de la bonne société de Buenos Aires, qui l’ignora hypocritement durant des décennies alors que ses hommes le dansaient toutes les nuits dans les cabarets.

L’auteur entrelace cette histoire particulière du tango avec un autre récit : celui de la rencontre aujourd’hui, à Paris, entre deux descendants de ces personnages du passé, qui décident de réaliser ensemble un documentaire sur leurs familles. La passion sera évidemment au rendez-vous…

« Tango » déconcerte parfois, avec ses multiples changements de voix, et je ne me suis pas tellement attachée aux protagonistes contemporains. Par contre je me suis vite laissée entraîner dans les aventures du passé, et j’ai aimé suivre pas à pas l’évolution de ce tango qui aujourd’hui encore nous procure tant de plaisir, que l’on soit danseur, spectateur ou mélomane.
brillant 10 étoiles

L'auteur nous fait entrer dans le monde du B.A des années 1900/1920, ville cosmopolite où affluent des nombreux européens en quête de fortune.
Narration brillante mêlant plusieurs voix, dynamique. Les personnages sont nombreux, se croisent, se perdent et se retrouvent, le tango né dans les bordels est omniprésent…on a l'impression de partager ces moments uniques de la naissance d'une musique et d'une danse.
L'histoire intrigue et nous tient jusqu'au bout puisque deux protagonistes du début des années 2000 se rencontrent et se découvrent une histoire commune qu'ils décident de transformer en film, sous l'oeil expert de leurs aïeux adeptes du tango.

Ce roman donne envie d'en découvrir d'autres d'Elsa Ororio.

Capucine33 - - 35 ans - 16 avril 2016


née dans les maisons canailles ... 8 étoiles

Luis : « Ce tango est l’histoire de Buenos-Aires, avec tout son cocktail explosif de créoles et d’immigrants, de luttes, de vaches, de trahisons et de passions. »

Luis découvre Ana à Paris, en dansant le tango au Latina, et de cette rencontre naît une remontée dans le temps qui mêle à la fois l’histoire de l’Argentine, d’une danse scandaleuse au départ, d’une famille argentine, avec ses couples officiels … et des liaisons parallèles.

L’amour se danse, la musique s’invente avec ses figures inédites, le tout dans une ambiance sulfureuse et passionnelle, où les différents partenaires, sur trois ou quatre générations, créent des variations sur le thème de l’accord immédiat, de l’amour différé, du malentendu, des brouilles, et des retrouvailles.

Elsa Osorio fait dialoguer les différentes générations, s’adresse directement à ses personnages, mais laisse aussi Tango, médiateur et créateur des couples, raconter sa propre histoire, comme celle de ses. talentueux concepteurs et interprètes.

« [ En France] je n’étais peut-être pas la même danse que dans les maisons canailles où je suis né, mais il y a toujours un homme face à une femme et moi qui les mêle dans le désir. Cette étrange fièvre qui s’était déchaînée à Paris te permettait de m’écouter et de me danser partout : dans les résidences, les hôtels, les dancings, les champagnes-tangos.

Mes fans et mes détracteurs passaient [leur temps]à être pour ou contre moi, à essayer de me classer, de me raffiner, de m’orner, de me rendre décent, de me vilipender, de me flatter. »

Le Pape exige même une démonstration et recommande « une danse vénitienne ».

«  Moi qui laisse mes filles danser le tango, a dit un monsieur, je ne leur permettrais pas de danser la furlana. Comment le Pape a-t-il pu … ? C’est que le Pape n’a pas de filles, lui a répondu une femme. »

Le Tango accompagne les différentes phases historiques, les immigrations, les émigrations, le brassage des populations, le renouveau des ressources économiques qui permettent les accomplissements personnels et la maturation des idées sociales. Entre la France et l’Argentine, le courant passe, créant un terreau fécond.

C’est dire la richesse de cette histoire foisonnante, avec des références à des événements historiques, en 1930 ou en 2001.

Il est conseillé de lire le roman à grandes goulées pour en saisir les saveurs pimentées, les rythmes, l’invention des figures, les élans du désir et les plaisirs des corps.

Rotko - Avrillé - 50 ans - 28 mai 2015