La honte de Max Pélissier
de Jean-Louis Du Roy

critiqué par Jean Meurtrier, le 19 juin 2007
(Tilff - 49 ans)


La note:  étoiles
La toile juive
Aïe, ça commence mal. Nous découvrons Jaube, sa situation de SDF septuagénaire et sa relation avec la population A(vec)DF bruxelloise. Certains le nient, avec arrogance, cynisme ou gène, d’autres l’agressent verbalement, et les rares qui lui offrent une aide ne le font que pour se payer un petit coin de paradis... En filigrane l’auteur nous apostrophe : « J’imagine, lecteur nanti, que tu te reconnais dans une de ces descriptions. Tu vois, quelle que soit ton attitude face à la mendicité, tu es fautif ! ». Stop ! Pas de ce sermon avec moi. Ne serait-ce d’ailleurs pas l’auteur qui se donne bonne conscience avec ce discours culpabilisant ?
De plus, dès le début, le style sophistiqué et un peu artificiel me donne l’impression que Du Roy a abondamment pioché dans son dictionnaire des synonymes. Certes il est indéniablement cultivé, mais il semble sur-écrire, avec une application exagérée. Il en résulte une écriture qui se veut dynamique avec des formules relevées, mais qui souffre d’une trop grande linéarité, faute de changement de rythme. Bien sûr, mon avis vaut ce qu’il vaut.
Voilà donc les deux grands reproches que j’adresse à ce livre. Pas ailleurs, ces impressions si fortes dès les premières pages s’estompent au cours du récit sans disparaître complètement. La plume de Jean-Louis Du Roy se délie, retrouvant un peu de naturel et d’aisance, alors que Jaube quitte la faune bruxelloise pour passer ses vieux jours à la côte belge. Sur place, il découvre Cosy Nook, une villa à moitié abandonnée qu’il décide d’investir un moment. Sans le savoir, le vieux clochard pénètre dans le monde torturé des Pélissier.
Max Pélissier, le patriarche, tient une galerie d’art renommée à Bruxelles. Il est passionné par la peinture du XXème siècle, mais exècre l’art contemporain. Sa femme, Thérèse, lui a donné deux fils, Laurent et Sébastien. En Août 1983, la noyade de ce dernier brise cette famille qui avait tout pour être heureuse. Max se retranche dans sa galerie, Thérèse se livre à des pratiques sado-masos et Laurent sombre dans la drogue. Les Pélissier arrivent toutefois à sauver les apparences. Le fragile équilibre sur lequel elles reposent va se disloquer lorsque Max reçoit une lettre de l'avocat Mertens qui représente les intérêts d’une famille juive établie aux Etats-Unis.
Pendant une partie de la guerre, le père de Max Pélissier avait caché à Cosy Nook un certain Goldberg qui avait emporté avec lui une grande œuvre de la période bleue de Picasso. En 1943, Goldberg se fait arrêter et trouve la mort dans un camp de concentration. Depuis, la toile d'une valeur inestimable n'est jamais réapparue. C'est dans le but de retrouver sa trace que la famille Goldberg investigue auprès de Pélissier. Alors Max, rongé par un terrible secret lié à ce Picasso, entame une vertigineuse descente aux enfers.
L'auteur a magistralement architecturé son histoire. En suivant successivement les différents protagonistes, le lecteur resserre peu à peu l'étau autour du mystère familial. La structure du récit est très bien servie par des mises en situation efficaces. L'auteur décoche au passage quelques diatribes aux dépens de la peinture moderne, glisse l’un ou l’autre clin d’œil propre à l'actualité belge et exploite un fait international, l'arrestation de Papon en Suisse.
Il est regrettable que la révélation finale ne soit pas à la hauteur de l'attente ménagée au fil des pages. Elle explique difficilement la décadence inextricable de la famille Pélissier. En attendant, ce roman ne manque pas d'arguments séduisants pour susciter un intérêt réel.