Une longue histoire
de Katherine L. Battaiellie

critiqué par Sahkti, le 18 juin 2007
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Ce mal-être qui ronge
"Une course de vitesse est engagée entre l'écriture de ce texte et ta vieillesse: il faut que tu sois vivante et que tu te souviennes pour que je m'adresse à toi" (page 3)

L'absence de ponctuation tout au long des pages, le débit saccadé, le rythme soutenu... tout cela contribue à renforcer ce récit d'une colère, d'une haine traînée depuis l'enfance et qui doit aujourd'hui exploser.
L'histoire de souvenirs douloureux, d'un affrontement sans pitié entre une élève et son institutrice, entre une mère et sa fille, aussi, sans doute, quelque part.
Il s'agit ici de faire mal par le biais de l'écriture, d'exorciser les tourments depuis trop longtemps portés comme un fardeau étouffant. Cela donne un récit ultra violent, un formidable cri d'amour et de désespoir à la fois.

Qui contraste énormément avec la seconde partie de ce diptyque surnommée "Le lieu" et qui évoque un endroit magique, empli de luxuriance et de douceur, lieu de repos, de réflexion et d'apaisement. La plume de Katherine Battaillie se fait légère et lyrique, elle se veut remède et ce lieu, la maison, le jardin, les bambous et les fleurs deviennent un baume apaisant pour le corps et l'esprit. Même si le tourisme finit par gagner le lieu et en gâcher l'essence même.

Dans les deux cas, c'est un coup de poing, que ce soit avec "Elle" ou "Le lieu" parce que derrière toutes ces lignes existe la torture de l'âme, même lorsqu'elle trouve refuge entre les arbres. On devine la souffrance et ce n'est pas pour rien que l'auteur explique que ce manuscrit, elle le traîne en elle et sous sa plume depuis de nombreuses années et qu'il la travaille. Une sincérité que j'admire, l'auteur se met à nu, avec force et élégance, ça ne peut que toucher, ébranler.


Un extrait:

"je n'imagine pas de torture pas même de brutalité

sauf parfois

par exemple lui arracher un ongle chaque année an-née prononçait-elle en faisant bien sonner la double consonne et dans mon âge avancé je me surprends à prononcer comme elle chaque an-née à une date fixe lui en arracher un en enlevant une de ses chaussures qui semblent venir d'un magasin de chaussures pour pieds sensibles et toujours depuis quand je suis passée devant un de ces magasins je me suis arrêtée

ou sur son lit de mort lui poser la question qui me taraude pourquoi moi" (page 2)