Chao Praya
de Sereine Berlottier

critiqué par Sahkti, le 14 juin 2007
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Invisible voyage
A la fin, il y a "(On s'est perdus)". J'adore cette phrase car elle clôture ce long fil poétique tout en lui donnant une nouvelle vie. C'est la porte ouverte vers l'imaginaire, la construction d'une autre histoire mais aussi une porte qui se referme, un voyage qui prend fin, peut-être brutalement. Ce voyage qui occupe tout l'espace de ce fin et beau recueil. Le lecteur s'égare, il déambule au gré des courtes digressions de l'auteur, disposées séparément au gré des pages, morceaux épars de ci de là pour dire la quête, le cheminement, les arrêts, la route à suivre... bref, pour narrer un voyage inexistant parce qu'en proie à la difficulté du langage et de la compréhension. Le personnage principal, dénommé S., erre de pensée en réflexion, entraînant le lecteur dans son sillage vers un ailleurs qui n'existe pas, qu'on ne palpe pas. Cela ne donne pas pour autant un voyage en absurdie, il y a réellement un chemin quelque part. Simplement on ne le voit pas, on ne le trouve pas. Et c'est qui me fait aimer si particulièrement ces derniers mots, parce qu'ils apportent une certaine clarté au voyage, tout en le propulsant dans une autre sphère.

J'ai également apprécié la disposition des fragments, leur taille variable, autant d'instants ressemblant à ces pierres blanches qu'on sème en promenade pour retrouver son chemin, le cas échéant. Ce rythme soutenu, haché, apporte beaucoup de vivacité à ce texte poétique qui peut n'être qu'un seul poème comme il peut en être une centaine à la fois.

"On marche et on ne marche plus. Tant de choses au fond des paniers. Chercher les noms. Marcher entre les choses sans noms. Jouer sans voir.

Ainsi dans le ciel gris."

Sereine Berlottier est née en 1971. Elle vit et travaille à Paris. Elle a publié des textes en revue (Perpendiculaire, Bleue, Exit, Triages, Le Nouveau Recueil, remue.net) et un roman, Nu précipité dans le vide, paru aux éditions Fayard en 2006.