Catharsis
de Gustave Akakpo

critiqué par Jean Meurtrier, le 18 mai 2007
(Tilff - 49 ans)


La note:  étoiles
Ilèbon
Dans un cimetière (charnier) africain, le dernier gardien de l’Oracle d’un royaume moribond tente de rétablir la paix grâce à d’ancestraux rituels africains. Pour immortaliser la cérémonie purificatrice, il a convié les grands chefs de guerre contemporains (matérialisés par le public de la pièce) et un photographe/caméraman/réalisateur. Pour que cesse le carnage dans ce pays africain, il faut qu’Ellè, la reine-mère déchue et maintenant prostituée entame une danse tribale devant l’Oracle avec l’aide des incantations du gardien.
Cependant Ellè n’est guère convaincue de l’intérêt de cette catharsis, d’autant plus qu’Ilèfou, son seul fils resté au pays ne la soutient guère. Il a très peu d’estime pour sa mère qui s’est littéralement vendue aux étrangers du nord. Le caméraman est sceptique quant aux effets des rites sacrés africains et, pragmatique, suggère plutôt d’exploiter les horreurs la guerre pour en tirer de l’argent.
Tourmentée, hésitant entre le statut de victime et de coupable, Ellè rêve de revoir ses fils expatriés: Ilènoir, qu’elle a jadis vendu comme esclave et Ilèki, parti de sa propre initiative vers les pays du nord.
Cette pièce métaphorique dresse un constat objectif à propos d’une Afrique en quête de son honneur perdu, miséreuse et belliqueuse, incarnée par Ellè. Ses fils représentent chacun une des destinées historiques du peuple africain. Ilèfou parle au nom de la population restée sur le continent, partagée entre la fierté de leur origine et la honte liée à la déchéance du pays. Les esclaves noirs exploités dans les champs de coton (ou plutôt leurs descendants) expriment, sans rancune, leur critique de l’Afrique actuelle par le biais d’Ilènoir. Enfin, le farouche Ilèki affiche par un silence méprisant le sentiment haineux des immigrés des cités européennes.
A travers l’écriture, en particulier les insultes exotiques, transpire une Afrique à la fois naïve et cruelle, résultat d’un passé douloureux. La pièce évoque la colonisation, l’évangélisation forcée, l’esclavage, l’exploitation des ressources naturelles avec comme conséquences la mendicité auprès des pays riches et la tentation d’aller voir ailleurs. Cependant l’auteur ne s’étend pas sur la responsabilité de l’occident pour se consacrer à celle de l’Afrique, évitant ainsi une triviale leçon de morale, aussi méritée soit-elle.
Cette pièce limpide, rythmée et équilibrée est plus une confrontation d’arguments qu’un portait qui se complait dans le pessimisme, comme le suggère la fin porteuse d’espoir.