Nègre blanche
de Sophie G. Lucas

critiqué par Sahkti, le 18 mai 2007
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Poésie funèbre
Les mots se choquent et s'entrechoquent. Le père est en train de mourir. Et ce "en train de" prend toute la place, bouffe l'oxygène.
En brefs fragments, quelques lignes désordonnées reléguant dans l'oubli les rigueurs grammaticales et la ponctuation, Sophie G.Lucas conte cet inexorable mouvement dont la force empêche de respirer.
La violence est là, palpable. La rage, la colère se mêlent à l'effroi et à l'insupportable attente. Sophie G.Lucas traduit ce calvaire à sa façon, restituant parfaitement à mes yeux la difficulté du regard posé sur le mourant et sur le temps qui s'écoule bien trop lentement.
J'aime sa poésie brute et brutale. La subtilité se glisse entre les lignes, elle vient après, une fois le livre refermé, quand on se rend compte qu'on avait arrêté de respirer et qu'on se dit "chapeau!".


"quatre feuilles de chêne et quelques mûres mon butin au pied de son lit d'un coup de pied le fiche par terre mon sac et moi silence" (page 18)

"nous aurions pu marchant côte à côte sans nous toucher sans nous parler livrés aux marées un dimanche par mois devenir un père une fille" (page 28)

"à sa place des draps en vrac des plis des trous traces molles au petit matin enlevé dans un sac de plastique noir on ne rien rien il ont dit l'emportant" (page 85)