La splendeur d'Antonia
de Jean-Pierre Milovanoff

critiqué par Loutarwen, le 3 mai 2007
(NANTES - 40 ans)


La note:  étoiles
Entre biographie et fiction...
L'histoire:
" A dire vrai, pour décrire l'amour d'Antonia, il faudrait des mots qui n'auraient jamais été prononcés, une langue de coquelicot et de brise avec des silences soudain, des arrêts sur une lumière, les nuages qui filent là-bas par-dessus le Temple de Diane dans le ciel de ce mois de juin oublié, luisant comme une coquille hors de l'eau. Oui, d'abord les nuages, le vent, le ciel, le soleil, puis les cheveux rouges que l'on sait, puis le bruit des pas d'Antonia qui traverse la place aux Herbes, emportée par ses sensations. J'imagine que c'est le début de l'après-midi, l'heure chaude, pas encore le bon du jour. Pour courir à son rendez-vous, elle a mis une longue robe d'été avec un chapeau de taffetas vert ajusté sur son chignon. Où va-t-elle de ce pas vif ? " (Jean-Pierre Milovanoff)

Mon avis:
Antonia est l'arrière-grand-mère du narrateur. Sa fille Pauline, donc la grand-mère du narrateur, a quelques cent dix ans lors de la rédaction du livre. C'est elle qui raconte soir après soir à son petit-fils au téléphone ou de vive voix, l'histoire de sa mère Antonia d'après ses quelques souvenirs d'enfance. Son petit-fils en fait un roman plein de tendresse et d'amour.
Antonia a été une très belle jeune femme rousse dont le narrateur n'a conservé qu'un médaillon. L'histoire retrace celle des amours de la jeune femme entre biographie et fiction. L'auteur ne sait presque rien de cette arrière-grand-mère et pourtant il arrive à écrire sa courte mais tumultueuse existence avec tendresse et humour.
On découvre Nîmes au tournant du XXème siècle, un milieu bourgeois et austère de cette fin de XIXème siècle et la belle et passionnée Antonia.
Le narrateur est omniprésent tout au long de sa reconstruction de la vie d'Antonia et j'ai trouvé cela très plaisant. L'écriture est fluide, les touches d'humour nombreuses - j'ai notamment adoré sa définition du "bon à rien".
Un beau livre à lire au coin du feu en hiver ou dans un parc au soleil au printemps...
Rêve ou secret ? 8 étoiles

Pour décrire Antonia, il fallait Henry James ou Milovanoff. La splendide Antonia n'a pas l'esprit du devoir d'Isabelle Archer, elle aime la vie, les hommes et surtout elle s'aime profondément. Aucun miroir n'est assez grand à ses yeux pour reproduire le moindre détail de sa personne.
Jeune fille elle se laisse séduire par un dandy de passage rencontré le jour-même.
"C'était la première fois qu'Antonia sentait la main d'un inconnu effleurer sa joue en feu. La pression du doigt était nulle, de l'ordre de 1 mg par centimètre carré, l'équivalent de de la pesée du papillon sur la pivoine qui vient d'éclore, mais le doigt restait sur la joue et le temps ne passait plus. Alors, Antonia saisit la main de l'étranger et la posa sur son sein."
Elle ne reverra plus le bellâtre mais il faudra peu de temps pour qu'elle constate qu'elle est enceinte.
Nous sommes en 1886 et on ne badine pas avec l'honneur d'une jeune fille.
Le destin d'Antonia se forgera par le hasard... et sa beauté.
Le narrateur est l'arrière petit-fils d'Antonia Chardon qui tente de décortiquer les secrets de la famille.

Le verve de Milovanoff est légendaire mais ici il semble s'éclater. Il donne tout dans ce très plaisant roman, sa faconde est riche comme la légèreté de la belle. Des moments de poésie mais aussi de gravité.
" A-t-on jamais vu un ministre avec un coquelicot à l'oreille ou une mouche sur le nez ? Mais à l'écurie, au lavoir, en cuisine, on sait que la bouffonnerie mène le monde, que les maîtres en sont l'expression la plus accomplie, que les sabres, les pompes, les rubans, les discours, les bénédictions sont les ailes d'un grand moulin qui broie menu les rêves et les illusions des bons à rien. Il en a été, il en est, il en sera toujours." sic,

Un bon moment,

Monocle - tournai - 64 ans - 1 octobre 2019