Un long week-end dans les Ardennes
de Hella Serafia Haasse

critiqué par Jean Meurtrier, le 24 avril 2007
(Tilff - 49 ans)


La note:  étoiles
Entre chien et loup
Breidablick est le nom de ce grand chalet au milieu d’une sombre forêt des Ardennes liégeoises, à proximité de Grand-Halleux. Erik Waldschade, éminent spécialiste hollandais des rites et de la culture germanique l’avait acheté à la fin de la guerre car il se situait selon lui à la frontière des mondes germanique, celte et latin. Depuis sa mort, ce sont ses filles Edith et Gerda qui se partagent sa demeure. Egon et Sif Blanck, respectivement le mari et la fille de Gerda y vivent également, ainsi qu’un couple de gardiens qui occupe une des deux tours gothiques à l’entrée du domaine.
Sans en avertir sa soeur, Gerda a organisé à Breidablick un grand rassemblement international d’Originiens, sorte de secte célébrant des anciens rites païens celtes et germaniques. Mais l’évènement a mal tourné, au point d’être perçu par la presse comme une manifestation néonazie clandestine. Mise au courant, Edith, pianiste professionnelle, interrompt sa tournée et revient à Breidablick pour exiger des explications à sa sœur. Mais à son retour dans la demeure familiale, elle constate qu’un homme a pris ses quartiers dans la deuxième tour de garde. Malgré une dissemblance marquée, il prétend être son demi-frère caché. Erwin Waldschade comme il se nomme, serait sorti de l’anonymat après tant d’années dans le but de préserver la mémoire de leur père commun. Durant les années 30 et 40, Erik Waldschade aurait énoncé certaines théories racistes encore méconnues et susceptibles d’être dévoilées incessamment…
Matthias Crone, jeune homme de 23 ans travaillant pour un quotidien à Amsterdam, est passionné par les loups. Il tente de prendre contact avec Edith Waldschade qui en possède trois en captivité dans sa résidence ardennaise. Par le plus grand des hasards (ce ne sera pas le seul), il tombe sur une ancienne connaissance qui aurait ses entrées à Breidablick grâce à ses activités plus que louches. Matthias et son compagnon décident de se rendre ensemble en Belgique. Ils vont passer un long week-end dans les Ardennes dont ils se souviendront longtemps.
J’ai porté un grand intérêt à ce roman car l’action se déroule près de chez moi. Haasse est connue pour l’ambiance qu’elle arrive à distiller dans ses livres. Force est de constater qu’elle restitue assez bien l’atmosphère sombre des collines boisées de conifères propre à la vallée de la Salm.
Cependant, bien qu’ils soient intéressants, les personnages ne sont pas vraiment attachants. Leurs relations sont empreintes d’une certaine froideur qui correspond finalement assez bien à l’ambiance générale du récit.
Hella Serafia Haasse alterne les styles narratifs. L’histoire de Matthias est écrite comme un roman traditionnel. Les états d’âmes d’Edith sont couchés sur des lettres qui ne partiront jamais. Elles sont destinées à Yon, son ancien amant israélien dont elle a perdu la trace depuis son accident de voiture. Enfin, les dialogues entre Edith et Erwin sont présentés comme des scènes de théâtre, parsemées de didascalies entre parenthèses.
La fin est plutôt confuse. Les versions divergent selon les protagonistes et l’auteur ne livre pas clairement le fin mot de l’histoire. Toutefois, le lecteur possède assez d’éléments pour se faire une idée sur la sincérité de certains personnages.