Nous sommes en 2089, une grande partie du monde est surveillée par le G16 mais quelques territoires veillent précieusement à leur autonomie. Autant dire qu'ils sont dans le collimateur de tous les satellites et instruments de contrôle des puissants.
La France fait partie des pays "chefs", de ceux qui décident pour les autres et manoeuvrent à tout prix pour qu'aucune vague autonomiste ne puisse remettre leur suprématie en question.
Pendant ce temps au Groenland, une étude a lieu sur les narvals, des animaux capables d'échapper à l'oeil des radars mais aussi, par un procédé de conservation du mercure et autres métaux dans leurs corps, de cacher des écrans des morceaux de territoire. Les recherches sont menées dans le plus grand secret jusqu'au jour où le pot aux roses est découvert. C'est alors alerte générale, les Inuits deviennent nuisibles...

Tout commence en douceur, sur le vaste territoire glacé du Groenland, lors d'une chasse au caribou. Roman d'aventures et des vastes étendues ai-je d'abord pensé, avant de découvrir que nous étions en plein récit SF (je ne connaissais pas ce livre avant lecture, lu aucun commentaire). Un genre qui n'est pas du tout ma tasse de thé en temps normal mais ici, voilà, malgré la présence de robots, de gadgets et tutti quanti, intrigue et questionnement existentiel très humain prennent le dessus, sans parler de la connotation politique et écologique de l'ensemble.

Donc j'accroche. Assez vite et je poursuis le voyage. Le personnage de Kisimii est attachant, celui de Diaz aussi et même ceux de ces méchants super espions français chargés de rétablir la situation. Car chacun fait preuve d'une grande fragilité, d'une terreur énorme à l'idée que les ses propres fondements et repères s'écroulent. Ne sommes-nous pas tous un peu comme cela?
Cette société terrorisée par le chaos potentiel est le reflet de notre angoisse de l'inconnu, de notre besoin de tout maîtriser et de faire de l'Homme l'être le plus intelligent qui soit. Que tout cela n'évolue pas comme nous l'avons décidé et c'est l'échec. Inimaginable! Pourtant, c'est bien ce qui se produit, à l'image de nos dérives écologiques et sociétales actuelles. A force de créer des limites, des modèles et des garde-fous, nous nous sommes enfermés dans quelque chose qui ne peut, à long terme, que nous détruire ou fortement nous affaiblir.

L'écriture de Lilian Bathelot est fluide et agréable à lire. J'ai particulièrement apprécié la structure du récit et son découpage, son rythme d'évolution.
Une belle découverte!

Sahkti - Genève - 50 ans - 20 mai 2008