La croqueuse de Chantal Portillo

La croqueuse de Chantal Portillo

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Lucien, le 3 avril 2007 (Inscrit le 13 mars 2001, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Tuer l’enfant originel.

Lui, c’est Martin, dit « le Fléau ». Un beau grand gars inachevé, un étudiant qui n’étudie pas souvent, un frondeur, un pisse dru, un Rimbaud.
Elle, c’est Éléonore. La croqueuse. Elle a vécu, elle a croqué la vie, les hommes, les livres. Croquera-t-elle Martin qui se retrouve un jour dans son lit comme un cadeau déposé là par la ville, par la vie ? Martin qui propose illico de la surnommer « Viagra ».
Il se cherche, Martin. Peut-être. Et dans cette quête, il déprime un peu. Que faire de ses vingt-deux ans ? Abandonner le droit chemin du droit voulu par son père avocat ? S’orienter vers la biologie, devenir vétérinaire ? Et s’il n’était pas d’accord, le père ? S’il menaçait de couper les vivres ? Si Martin devait choisir entre cette pseudo liberté assistée et la vraie, celle qui l’obligerait à travailler sans filet, trouver un job, s’assumer ?
« Mais pas une main amie, et où puiser le secours ? » disait Arthur. Et, pour Martin, aucun secours à espérer du côté de la mère, bouffée trop tôt par un cancer au sein. Non, aucun sein où se blottir en retardant encore un peu le choix. Alors, Martin se gave de miel et d’ennui. Peut-être après tout que les choses se feront toutes seules…
Viagra est là, heureusement, pour l’empêcher de ronronner : « Quel que soit le moment de sa vie, on peut changer quelque chose. »
Et si le changement passait d’abord par le corps ? « Tu viens, on va voir la mer. » Une boutade, à Paris, en plein hiver. Et si ce n’en était pas une ? Viagra entraîne Martin, à pied, vers l’ouest, vers la Normandie, vers l’océan. Trente kilomètres par jour, comme ces marcheurs de Saint-Jacques dont la devise était : « mourir à soi pour vivre à Dieu ».
Trente kilomètres par jour malgré le vent, la neige, la fatigue, les ampoules. Bientôt, le duo deviendra trio grâce à ce grand chien sauvé d’un piège, que Martin baptisera Jumbo. Entre bonnes et mauvaises rencontres, coups de cafard et illuminations quasi mystiques, la croqueuse et le gamin nous emporteront dans un voyage initiatique sur les côtes normandes et bretonnes puis vers l’intérieur des terres, vers l’intérieur de l’être : Cévennes, Lozère, gorges de la Jonte…
Dans une langue vive, nominale, minérale, urgente, Chantal Portillo nous arrime pour quelques heures au destin de ce couple improbable qui marche jusqu’à ne plus penser, pour « User la peur. User l’angoisse. User l’inconnu qui va venir. » Marche initiatique, oui, on peut employer l’adjectif galvaudé. Rituel chamanique ourlé par celle qui n’est pas mère pour celui qui a perdu sa mère. Rite de passage pour Martin que l’épreuve va former, grandir, mûrir, aider à « tuer l’enfant originel ».
« En nous est la source…, dit Chantal Portillo citant Charles Juliet. Mais pourquoi avons-nous tant de mal à la rejoindre ? Pourquoi le plus souvent, nous refusons-nous à son murmure ? »
Lire "La croqueuse" pour retrouver la source en nous, comme on téterait le sein d’une mère…

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  Chantal Portillo à Mons. 1 Lucien 4 avril 2007 @ 16:05

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