Eros Médina
de Thierry Debroux

critiqué par Jean Meurtrier, le 22 mars 2007
(Tilff - 49 ans)


La note:  étoiles
La honte en héritage
Depuis quelque temps, l’actrice française Alexina Maudoux se sent suivie à travers les rues d’une vieille ville nord-africaine. Maîtrisant sa peur, elle se pose et s’adresse à son fantomatique poursuivant. La jeune femme entame un long monologue, dialogue en sens unique, à l’adresse de l’ombre qui la file. Elle lui explique que son silence ne la gêne pas. Elle y est habituée avec son père, et avec Dimitry, son ex-compagnon qui vient justement de la quitter. En cause une scène érotique qu’elle doit jouer dans le film « Eros Medina » actuellement en court de tournage. D’ailleurs l’inconnu ne serait-il pas Dimitry qui, jaloux, la surveillerait ? Non, c’est ridicule. Il s’agit certainement d’un indigène troublé par cette beauté blanche. A cette idée, Alexina se livre à un déballage thérapeutique et confie sa vision de la séduction, ses fantasmes mais également ses angoisses dans le but d’extirper son interlocuteur de son mutisme. Afin d’attiser davantage sa curiosité, elle lui explique qu’en cette période de l’année, à la mi-juin, elle est victime de fortes fièvres, symptômes d’un très lourd secret qu’elle est sur le point de dévoiler…
Le début de cette pièce baigne dans une ambiance poétique et légère, parfois proche de la fable. La manière avec laquelle Alexina tente d’établir un dialogue rappelle le passage de l’apprivoisement dans « Le petit prince ». L’envoutante Medina sert de cadre à toute sorte de réflexions sur le thème de la sexualité : la différence de statut entre la femme et l’homme, la parade amoureuse, la simulation, l’identité, le regard de l’autre face aux fantasmes, la diabolisation du féminin par la crainte. Par la suite sont également abordés le pardon, l’émancipation de la femme, le racisme, le viol et le sentiment de culpabilité lié à la honte qui en découle... Tellement de sujets divers qu’on sent que l’auteur a cassé la tirelire des réflexions qu’il a accumulées jusqu’alors dans un petit carnet. Cette dispersion finit par amenuiser certaines idées.
Parallèlement, la deuxième partie révélant le mystère familial écrase sensiblement la première. Le charme fait place au drame, le récit est de plus en plus dense. Avec du recul, le début paraît un peu futile en raison de ce crescendo un peu brutal et du léger déséquilibre qu’il occasionne. La recette m’a semblé trop éculée et les thèmes trop communs pour réellement surprendre le spectateur. Néanmoins ce monologue est captivant et la fin m’a laissé songeur.