Antimanuel d'économie : Tome 1, Les fourmis
de Bernard Maris

critiqué par B1p, le 15 février 2007
( - 50 ans)


La note:  étoiles
éloge de la gratuité
Il n'aura échappé à personne que le monde dans lequel nous vivons est devenu le monde économique. Il est donc d'autant plus nécessaire de prendre un peu de recul pour essayer de mieux comprendre de quoi on nous cause à longueur de journée : de PIB, de croissance, voire des « sciences économiques » considérées comme un tout.

Le livre de Bernad Maris peut sans conteste aider au décryptage.

Admirateur de Keynes, Maris se livre à une déconstruction des sciences économiques telles qu'elles nous sont présentées aujourd'hui.
Le premier problème se situerait dans le concept de « sciences ». Fascinés par la précision de la physique, les économistes classiques ont fondé leur savoir en copiant la beauté formelle de la science de Newton. Que sont les représentations à extremums et le calcul différentiel sinon une tentative d'appliquer à l'économie les outils mathématiques utilisés généralement par la physique ?
Mais si la physique s'attache à décrire le monde indépendamment de l'être humain (nous n'entrerons pas ici dans les considérations quantiques svp merci !), l'économie s'attache à décrire l'humain dans son comportement et c'est bien là que le bât blesse : l'humain n'est pas réductible aux conditions strictes d'expérimentation d'un laboratoire, et l'économie aurait dû s'en rendre compte un peu plus tôt.
Car c'est en gros le premier constat de Maris : les lois de l'économie classique, leur mise en équation et tout le toutim, ça ne marche pas. Ca sert uniquement à s'entraîner le cerveau sur des problèmes de logique, mais les économistes n'auraient-ils pas mieux fait de décrire la réalité ? Loi de Say, offre et demande etc. Des concepts bien séduisants mais erronés dans leur fondement même ?

Oui selon Maris, mais à la limite, on pourrait ne pas s'en inquiéter et laisser les économistes discourir de leurs modèles tranquillement dans leur coin. Mais le hic, c'est que les économistes s'étalent un peu partout, rarement en ayant conscience de leurs connaissances et de leurs limitations.
Or, l'économie n'est pas une science exacte. Elle n'est même pas capable de faire des prévisions.
Alors méfions-nous des économistes qui entendent définir la politique à suivre alors qu'il n'y a jamais eu aucun fondement scientifique à telle ou telle décision.
L'économie doit être dictée par la politique et non le contraire.

La limitation du champ et du pouvoir « scientifique » des sciences économiques, c'est ce que Maris s'attache à décrire le long de son ouvrage.
Le concept de concurrence et ses bienfaits est lui-même profondément remis en question. La théorie des jeux et d'autres expérimentations, d'autres jeux logiques montrent que la collaboration peut atteindre des équilibres plus profitables que la simple mise en opposition d'individus au sein d'un marché.
Ce que fait Maris, c'est l'éloge de la gratuité et du don de soi - qualités humaines pas encore totalement rabotées par l'avènement de l'homo aeconomicus, heureusement - , du partage désintéressé. C'est ce qui a permis à la science de progresser (l'échange d'idées sans contrepartie), et c'est ce qui permet périodiquement à l'économie de sortir de l'asphyxie, en développant de nouveaux marchés par exemple.

Alors, svp, restez ouverts et non réductibles aux êtres calculateurs qui vous modèlent dans certaines théories économiques. C'est le souhait de Bernard Maris, et je dois dire que je le partage d'assez bonne grâce.

Vous avez un bouquin entier pour vous en convaincre si ce n'est déjà fait...
Pour une autre économie 9 étoiles

Un livre indispensable pour toute personne posant un regard critique sur le fonctionnement de nos économies de marché. Vous y apprendrez que l’économie tient plus de la religion que de la science, que la concurrence n’existe pas, que la mondialisation est une peine infligée à la fois aux travailleurs des pays riches et à ceux des pays pauvres, que la Bourse est une entreprise de publicité (en faveur des jeux de casino) plus qu’un moyen de croître, que le partage de la richesse profite de plus en plus aux riches et qu’il est temps d’imaginer une autre organisation économique.
On y trouve aussi quelques chiffres dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont choquants.
Par exemple, le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement : pas des gauchistes, hein ?) a mis en regard, en 1998, quelques données frappantes. Si l’on voulait régler dans le monde entier les questions de l’accès universel à une éducation de base, aux soins de santé de base, à une nourriture adéquate, à l’eau potable, à des infrastructures sanitaires, il fallait dépenser 40 milliards de dollars par an.
40 milliards !
C’est une somme !
Non, pas tellement, voyez plutôt.
Les dépenses de publicité dans le monde sont de 400 milliards par an (oui, un zéro de plus…).
La consommation de cigarettes en Europe : 50 milliards.
Etc. Je donne plus de chiffres dans le forum.
Parce qu’il ne faut pas surcharger une critique éclair tout de même. Et puis, ça fout le mouron tous ces trucs.

Bolcho - Bruxelles - 75 ans - 20 avril 2011