Un choeur d'enfants maudits
de Tom Piccirilli

critiqué par Jean Meurtrier, le 5 février 2007
(Tilff - 49 ans)


La note:  étoiles
Pas des enfants de chœur
La collection SF de Folio est décidément une sorte de fourre-tout. On y retrouve des récits peu apparentés à la science-fiction, comme « Fight Club » par exemple. Ces livres seraient-ils parés de la jaquette mauve métallisée s’ils n’avaient pas été écrits par des Américains ? « Un chœur d’enfants maudits » se positionne entre le fantastique et l’horreur… ou à l’extrême limite de la réalité. C’est une question d’interprétation.
Thomas, le narrateur, est le jeune et riche héritier d’une grande famille à l’origine de la ville de Kingdom Come dans le comté de Potts situé sur le Mississipi. Etant l’un des rares employeurs de la ville, il est à la fois admiré et jalousé par la population environnante qui vit dans les bayous, marécages bordant le fleuve.
L’entourage du héros (ou anti-héros) est particulièrement singulier, à commencer par ses frères, des triplés siamois soudés entre eux par lobe frontal. Thomas s’emploie à veiller sur eux dans le grand manoir familial, épié par l’énigmatique Maggie. Il est aidé par Dodi, amante des siamois et fille de Velma Coots, sorte de sorcière convaincue que les morts reviennent. Elle n’est d’ailleurs pas la seule. C’est également le cas de Drabs, le meilleur ami de Thomas, auteur de rêves prémonitoires et sujet à des crises durant lesquelles il se déshabille et se roule au sol en psalmodiant dans des langues incompréhensibles. Il est frappé par le Saint Esprit selon son père, le révérend de la ville. Progressivement, dans ce monde étrange, des phénomènes qui le sont encore plus vont se manifester : une fille amnésique retrouvée dans les marais, des tempêtes violentes, la disparition de Drabs… Tout cela préfigure des évènements redoutables.
Thomas va alors reconsidérer son passé et celui de sa famille : son père suicidé dans la machinerie de son moulin, sa mère disparue et sa grand-mère plantée sur le toit de l’école. Il y sera poussé par des hallucinations (mais ces fantômes sont-ils vraiment des hallucinations ?) et des rêves hérités de sa mère.
Je m’attendais à une atmosphère gentiment monstrueuse et inquiétante à la Tim Burton, mais ce roman est en fait bien plus dur et malsain, se rapprochant plutôt de l’univers de David Lynch. Certains passages délibérément grotesques, comme la scène de l’enterrement, dégénèrent à la manière d’Emir Kusturica.
L’auteur n’est pas tendre avec l’Amérique profonde des états du sud. Les citoyens de Kingdom Come sont irrationnels et superstitieux. On se croirait parfois au moyen-âge, alors que l’histoire est contemporaine. L’atmosphère est ensorcelante, bien que l’auteur soit un peu pingre en description. C’est une des conséquences de l’étonnante densité du récit. Le début peut d’ailleurs paraître un peu confus avec son lot d’anecdotes. Mieux vaut être attentif, chaque détail a son importance et l’auteur ne se répète pas. Mais le style n’est pas du tout austère pour la cause. Les hallucinations et autres rêves lyriques du narrateur sont délicieusement délirants et envoûtants, parfois proches de l’écriture automatique.
Voilà en fin de compte un excellent roman cruel et poétique, légèrement embrumé, dans lequel certaines pistes initiées par l’auteur resteront en suspens, perdues quelque part dans le bayou. Il subsiste quelque mystère au moment de refermer le livre.
Maudits !!! Soyez Maudits !!! 7 étoiles

Certains parlent de génie pour décrire le roman de Piccirilli, d'autres de grand n'importe quoi.
Pour moi, ce n'est pas un génie, mais ce n'est pas non plus n'importe quoi.
Une chose est sûre, c'est qu'il ne faut pas lire cette histoire entre deux trains si l'on ne veut pas passer à côté de quelque chose d'important. En effet, l'histoire de Thomas est décousue. On se balade entre rêves et réalité et il peut arriver que l'on s'y perde un peu.
Un bon livre, mais pas non plus un chef d'oeuvre.

Flykillerman - chez Antihuman - 10 ans - 1 juillet 2011


Gluant 6 étoiles

Publié incorrectement dans la collection SF, cette première traduction de Piccirilli auteur de 10 romans, s’inscrit en fait dans la tradition du grotesque américain. L’atmosphère l’emporte sur l’histoire d’horreur. Le dégoût est plus fréquent que l’effroi. Nous sommes à Kingdom Come, petite ville perdue du sud des États-Unis dans un climat de tension raciale, de pauvreté et d’humidité collante des bayous. Le narrateur présente en hors d’œuvres ses frères, des triplés siamois! Trois êtres difformes reliés par les os du crâne, bavotants, grognards et immondes.

Les autres personnages sont autant étranges, sorcières et fantômes. Seul le pauvre Thomas est « normal » bien qu’il puisse voir les rêves de sa mère qui s’est suicidée. Pendant un moment, on cherche une ligne directrice à ce fouillis. Peut-être s’agit-il d’une histoire de vengeance alors que Thomas désire capturer un tueur quI l’a épargné durant son enfance? Pas vraiment.

Outre cette absence d’un but, l’écriture souffre de sa concision. J’avais l’impression qu’il manquait des mots ou des phrases. On avance trop vite et on se perd car les choses ne sont pas assez claires. Il y’a beaucoup de matériel pour asseoir une télé-série au complet. Mais dans la forme d’un court roman, l’intérêt provient seulement du style burlesque bizarre.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 54 ans - 30 décembre 2007