La Guerre à neuf ans
de Pascal Jardin

critiqué par Dirlandaise, le 31 janvier 2007
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Un témoignage exceptionnel
Avec ce livre, Pascal Jardin nous plonge au cœur du gouvernement de Vichy lors de l’occupation de la France par les Allemands. La guerre vue par les yeux d’un enfant de neuf ans ! Un témoignage exceptionnelle et d’un grand intérêt historique. Pascal Jardin raconte les intrigues et les rencontres avec une brochette de personnages divers, certains fuyant la France avec l’aide de Jean Jardin qui leur procure de faux-papiers leur permettant de rejoindre Alger.

L’enfant de neuf ans qu’était alors Pascal Jardin est bien sûr un privilégié et ne souffre pas trop de cette situation catastrophique contrairement à beaucoup d’autres moins chanceux. Il n’a jamais faim et jouit d’un confort assez rare à l’époque. C’est un enfant observateur, rebelle et dégourdi qui sera le témoin de scènes parfois horribles comme ces morceaux de cadavres qui dérivent sur la rivière à la suite d’une attaque aérienne.

J’ai apprécié le côté historique du récit mais aussi le côté humain. Pascal Jardin est attendrissant lorsqu’il raconte ses aventures. Son père demeure cependant énigmatique et difficile à cerner :

« Qui est réellement mon père ? Quelles ont été ses activités et quelles sont-elles encore ? Sur la plage de Deauville, à une voisine de cabine qui lui demandait ce que faisait son mari, ma mère a répondu avec candeur, l’été dernier : « Je ne l’ai jamais su. » »

La famille doit souvent faire face à des dangers imprévus comme ce pompiste, reconnaissant en Jean Jardin, un collaborateur, menace la famille avec un outil et refuse de les servir. Et aussi, une attaque aérienne alors que la famille est sur la route. Ils doivent se réfugier sous un pont pour échapper aux tirs. Et les visites de la Gestapo, toujours à la recherche de résistants.

Le volume est composé de deux récits. Le deuxième est intitulé « Guerre après guerre » et constitue des souvenirs un peu décousus de la jeunesse et de l’âge adulte de l’auteur. Un livre qui m’a fait rire, m’a parfois émue jusqu’aux larmes. Une écriture souple et vivante ajoute au plaisir de la lecture. Très bon !

« Vichy. Été 1943. Allongé sous un buisson de ronces qui borde le chemin de la maison, je guette le président Laval qui doit venir déjeuner. (…) Derrière les vitres bleutées à l’épreuve des balles, je découvre pour la première fois l’homme à abattre, celui que le maréchal Pétain a fait arrêter le 13 décembre 1940, celui qui a déjà reçu deux balles dans la peau le 27 août 1941 et qui s’en est tiré, l’ennemi de de Gaulle, l’homme perdu, l’homme tout seul. (…) Il est accueilli par mon père à qui il s’adresse d’une voix chantante, très rocailleuse. Il semble pressé, nerveux. Les doigts de sa main droite où se consume une cigarette américaine sont couleur nicotine. Son regard tombe sur moi. Il me fixe un instant et puis regarde mon père, comme pour s’assurer que je suis bien son fils. Après quoi, il me sourit longuement.»
Un épisode de la saga des « Jardin » 7 étoiles

Dans le style « Jardin », très proche de celui de son fils Alexandre, le Zubial passe en revue différents personnages qui ont défilé à Vichy pendant que le Maréchal était aux commandes de la « France libre » et que son père, alias "Le Nain jaune" était aux affaires.

On aime ou on déteste ce personnage vivant à cent à heure, mais on ne peut nier le caractère vivant et nerveux de ce recueil d’anecdotes satellites de l’histoire.

Personnellement j’apprécie et si on compare cet ouvrage au roman de Philippe Labro « Le petit garçon », qui évoque aussi ses souvenirs fades de la guerre vus au travers le regard d’un enfant, il n’y a pas photo.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 25 juillet 2017


"Je n'ai pas tout dit. Ce serait trop." 9 étoiles

Ainsi que l'a écrit Dirlandaise, Pascal Jardin nous livre, ici, le témoignage de ces années particulières, entre Août 1939 et Octobre 1943, qu'il vécut, enfant, d'Evreux à Vichy, "son père ayant été appelé à Vichy pour y exercer des fonctions importantes au gouvernement."

Et je souscris à son avis: "exceptionnel" car c'est avec ses mots et le recul de l'adulte, l'homme qu'il est devenu qu'il nous livre son étonnant témoignage, lui, "petit garçon, entre cinq et neuf ans."

Il nous fait côtoyer "le plus extravagant des défilés", "des vedettes" de cette époque-la- Chanel, Morand, Giraudoux, Aron, Pétain et Laval, des collabos ou des"proscrits dans le grenier", des Allemands, des Juifs... avec ce regard, cette candeur, cette naïveté de l'enfance, spontanée et insolente mais aussi ces atteintes profondes qui lui resteront, feront de lui cet homme qui nous écrit que "la nuit est la moitié du jour" et "j'ai vu trop de choses, trop vite.".

Oui: "L'enfance, on ne s'en remet pas."

Enfin, je soulignerais sa très belle écriture: un style aussi vif, aussi percutant, aussi insolent qu'il le fut.

Un grand talent.

Provisette1 - - 11 ans - 25 juin 2013