La vie parfaite : Jeanne Guyon, Simon Weil, Etty Hillesum
de Catherine Millot

critiqué par Saule, le 27 janvier 2007
(Bruxelles - 58 ans)


La note:  étoiles
La vastitude
«Longtemps, j'ai cru que c'était leur jouissance qui m'attirait. Je ne voyais pas que c'était leur liberté.» Cette liberté, dont l'auteur nous dit qu'elle cherche les clefs, Catherine Millot l'appelle «le large». Aussi la «vastitude» car la mystique est avant tout une affaire de grands espaces, pour reprendre l'image de Saint Jean de la Croix cité dans l'introduction «une profonde et spacieuse solitude, où ne peut arriver aucune créature humaine, comme en un désert immense qui n'est borné d'aucun endroit, d'autant plus délectable, savoureux et aimable qu'il est plus profond, plus vaste et plus solitaire».

J'ai acheté ce livre après avoir assisté à une conférence de l'auteur, elle m'avait séduite par sa gentillesse (j'avais pu discuter un peu avec elle car on était tout deux en avance) et son intelligence. Il s'agit d'un essai (qui lui valu le prix fémina) sur la mystique féminine à travers le portrait de trois figures exceptionnelles : Jeanne Guyon, Simone Weil et Etty Hilesum.

Des trois, Jeanne Guyon est la seule qui mènera la vie mystique à son terme : elle atteint la vie parfaite, un état de parfaite indifférence, c'est à dire d'acceptation de toute chose de manière indifférenciée. L'indifférence est facilement mal comprise (c'est vrai aussi à notre époque de rejet de la souffrance ) et elle sera accusée de quiétisme et condamnée par Bossuet. Chez Simone Weil, l'intellectuelle engagée, ce qui me touche c'est son Dieu des faibles. Elle choisit le Dieu humilié et vaincu, son Dieu est au antipode de la toute puissance. Simone Weil meurt jeune, à force de dénuement, sa trajectoire spirituelle restera inaccomplie. L'essai se termine sur Etty Hillesum, très proche de notre époque finalement avec son avidité de jeune fille. Son expérience intérieure transforme cette avidité en don total et découverte de l'amour du prochain indifférencié, ainsi qu'une acceptation totale du réel (Tout est bien, la vie est belle malgré tout). Si ce n'est pas fait précipitez vous sur son livre "Une vie bouleversée" bien critiqué sur ce site.

Catherine Millot offre un bel hommage et fait partager son admiration et son intérêt pour ces femmes extraordinaires. Elle nous invite à la recherche de ces espaces intérieurs infinis. Elle parle d'espace gicogne, un espace qui s'ouvre sur un autre espace, à l'infini, en référence je crois à une expérience personnelle. Pour terminer je signale aux amateurs qu'elle a écrit il y a 10 ans un essai sur trois autres figures en quête d'absolu : "Gide Genet Mishima. Intelligence de la perversion."