Les choses de la vie
de Paul Guimard

critiqué par Mallollo, le 23 janvier 2007
( - 41 ans)


La note:  étoiles
Dix longues secondes...
Entre le début du virage du lieu-dit de la Providence et le champ où la vieille MG finit sa course, il ne s'est pas écoulé plus de dix secondes. Dix longues secondes de presque cent pages, pendant lesquelles Pierre a largement le temps de penser à ce qui lui arrive.

Le temps de se voir mourir...

"Lorsque j'ai vu la bétaillère arrêtée au milieu du virage, je n'ai pensé qu'au problème posé: soit un véhicule roulant à X km/h... à la rencontre d'un obstacle placé à X mètres. Calculez le temps T, etc. Je gaspillais ainsi les secondes pendant lesquelles je pouvais regarder les choses en sachant que c'était pour la dernière fois."

Le temps de penser à des choses futiles...

"Qui saura fermer la porte-fenêtre du jardin dont les paumelles insuffisantes font travailler les gonds à faux? Si l'on pousse sottement le panneau sans accompagner le mouvement d'une légère traction vers l'intérieur, les ferrures augmenteront leur jeu et l'ensemble se désarticulera en moins d'un mois."

Le temps des regrets...

"Si je m'étais tué, Hélène aurait trouvé dans ma poche cette lettre ridicule. C'est une sottise sans nom de ne pas l'avoir détruite puisqu'elle ne représente plus la réalité de mes sentiments présents, mais un mouvement sans profondeur, une humeur plutôt que j'exprimais de façon cruelle. On devrait brûler toutes les lettres de ce genre. Elles mentent toutes par anachronisme."

Le temps de penser à l'essentiel...

"A deux ou trois secondes près, je passais, je n'aurais même jamais imaginé que je frôlais une catastrophe. Je roulerais tranquillement vers Rennes. Mon costume et la MG seraient intacts. J'aurais mangé du faisan chez Mortreux. Ces trois secondes, je les ai perdues quelque part." "[...] une idée volette, bourdonne comme une mouche verte, se pose, je la chasse, elle revient, s'entête, hideuse, et je ne peux l'écraser. Une idée et une image: je suis dans ma voiture, quai Voltaire, je vais partir pour Rennes, le moteur tourne, je viens de passer ma première, je commence à manoeuvrer pour déboîter, Hélène est debout sur le trottoir, elle me dit quelque chose, je baisse ma glace pour entendre, elle dit:
- Sois prudent, ne roule pas trop vite...
Je souris, je démarre, je viens de perdre quelques secondes. A deux cent cinquante kilomètres de moi le marchand de cochons se tape un verre de calva. Je viens de perdre."

Un livre vraiment poignant, entre espoir et désespoir, futilité et priorités, fatalité et humour.

Bref, les choses de la vie...
Une belle rencontre littéraire 8 étoiles

Pierre Delhomeau est un homme pressé. Un avocat brillant et réputé qui a une tendance à l’arrogance vis à vis des gens qu’il rencontre, et même vis à vis de sa compagne Hélène Gerbier dont il envisage de se séparer, lui préparant une lettre bien tournée.
Arrive l’accident. Presque une cinquantaine de pages décrivent en détail la collision entre les deux véhicules et surtout les effroyables mutilations provoquées au corps de Pierre dans sa MG. Pierre qui, ne ressentant aucune douleur, s’inquiète pour sa voiture et son costume.
S’ensuivent des pages touchantes de lucidité sur le sens de la vie, sur l’importance de certaines choses, voire de certaines personnes, importance toute relative quand arrive la fin.
"Je n’étais pas préparé à ce voyage et je rassemble au hasard des bagages dans lesquels j’oublie l’essentiel. .. "
Un examen de conscience tardif, sans remords ni culpabilité.

Avis mitigé sur ce court roman lu en première lecture dans le cadre d’une lecture commune, tant la première partie et la deuxième sont dissemblables. Mais je suis contente d’avoir lu et d’avoir fait plus ample connaissance avec un auteur à l’écriture riche, conjoint d’une autrice que j’apprécie tellement, Benoîte Groult. Et quand les deux écrivent leur Journal amoureux, quel bonheur !

Marvic - Normandie - 65 ans - 2 décembre 2021


Un livre utile 9 étoiles

Ce livre se prêtait évidemment au cinéma, rien que par la description de l'accident, d'une précision extrême. N'ayant pas vu les adaptations, je ne peux pas juger de leur crédit.

Au-delà de ce déroulement dramatique, je suis impressionnée par la faculté de l'auteur à retranscrire les pensées de son personnage. On dit qu'à quelques minutes de sa mort, l'être humain revoit le film de sa vie. Mais ici, cela va bien plus loin dans l'analyse, serait-ce dû au fait que Pierre avait commencé son voyage avec cette démarche de pensée ?

Sa conduite assurée semblait lui permettre, effectivement, de songer à toute autre chose qu'à la route et ses dangers. L'habitude, aussi, de rouler vite, sans encombre jusqu'alors, ne l'aura pas servi. Restait le facteur "chance" qui aurait pu l'amener à Rennes sans ennui, mais ce jour-là n'était pas un bon jour...

Une histoire qui remet en place, très certainement, on devrait l'intégrer dans les programmes de sécurité routière, stages ou autres rappels à l'ordre.

Nathafi - SAINT-SOUPLET - 57 ans - 15 juin 2014


Lecture accidentogène. 8 étoiles

C'est à lecture des critiques de CL que je me suis intéressé à ce livre. Très court, très incisif et si évocateur des affres du destin et de la mort. Il y a de nombreuses petites phrases qui jalonnent le récit et qui comme si de rien n'était, évoquent des sentiments et éveillent la réflexion. Le style de l'auteur est tour à tour très technique, froid, millimétré et tantôt plein de sentiments qui ne peuvent qu'émouvoir le lecteur contemporain. Un récit qui restera toujours d'actualité car il s'appuie sur le drame de la route et de ce fait deviendra malheureusement intemporel. N'hésitez pas.

Hexagone - - 53 ans - 19 juillet 2010


Pure découverte 9 étoiles

Très franchement, je n'ai ouvert cet ouvrage que par le hasard qui l'a fait atterrir dans ma bibliothèque. Je dois dire en l'occurrence que le hasard a bien fait les choses.

Cet ouvrage est une franche réussite, en nous rappelant la fragilité de la vie et la fragilité des bases sur lesquelles nous faisons reposer nos jugements. L'histoire de la lettre, qui est essentielle à la bonne compréhension du récit en est une exemple frappant. Jamais la compagne du défunt n'aura connaissance de l'inopportunité de ce courrier. Elle en subira dès lors le poids jusqu'à la fin de ses jours, alors là même que cette lettre n'aurait jamais du lui parvenir. Autre élément important, le rôle des détails et des anecdotes, qui colorent notre vie.

Ce livre a dépassé quarante ans et vieillit pourtant très bien. Je le recommande sans réserve.

Fa - La Louvière - 48 ans - 31 mai 2010


Pensées profondes suite à un stop pas respecté 10 étoiles

Ce livre qui a dépassé les quarante ans (prix des libraires 1968) se lit sans doute de la même façon aujourd'hui qu'hier.
A l'heure des grands départs en vacances sur les routes, il pourrait amener à un regard différent de la part des conducteurs qui se placent délibérément au-dessus des vitesses autorisées.
L'accident de voiture (lecture d'un réalisme confondant) est le point de départ d'une réflexion sur la vie que nous propose Paul Guimard.

Un grand bouquin a mettre entre toutes les mains même si la description de la première partie nécessite de prendre du recul tant elle est réaliste.

JFK préconise que l'oeuvre de Paul Guimard devrait faire partie intégrante des programmes scolaires et je pense que la description de l'accident pourrait faire partie des lectures possibles à l'obtention de ce permis de conduire que l'on nous délivre et qui peut se transformer en un permis de tuer.

Quant aux pensées sur la beauté de la vie, sur l'importance à accorder à notre passage sur ce bout d'univers, Guimard (amoureux de la Bretagne entre autres -jolie description d'un matin p. 102, ed. Denoël-), sur la valeur, le regard
à poser sur les gens et les choses, Guimard donne des pages à lire et à relire, tel ces extraits :

"On nait en état de mort et l'on se réfugie dans la grandiloquence qui est l'ivrognerie de l'âme et l'on s'efforce de provoquer avec ses idées un fracas que l'on voudrait majestueux et l'on se satisfait de ce menu tumulte jusqu'à ce que l'on parvienne au bord du vrai silence."

Et aussi :
"J'aurais du, tout à l'heure sur la route, prendre le temps de regarder avec intensité l'eau et le vent, les arbres et cet enfant minuscule qui courait à la lisière d'un bois et les roses devant la ferme. L'inattention des vivants est confondante. On effleure, on passe distraitement".

Garance62 - - 61 ans - 12 juillet 2009


Paul Guimard - Les choses de la vie 8 étoiles

o En prenant l’exemple d’un accidenté de la route revoyant des « détails » de sa vie et condamné à mourir, Paul Guimard illustre de façon très subtile l’importance que notre environnement joue sur nous.
Il fait aussi appel à notre réflexion et à notre capacité à prendre un peu de recul par rapport à l’histoire car si je n’y étais pas arrivé, je n’aurais sans doute pas réussi à me pencher sur moi-même, à réfléchir sur des détails quotidiens qui me paraissent quelconques mais qui ont en fait une importance capitale dans ma vie comme par exemple la présence d’un proche ou le simple fait de dire bonjour à quelqu’un.

La scène de l’accident analysée par deux points de vue différents est également très intéressante et magnifiquement écrite. On peut l’imaginer dans les moindres détails, ce qui nous plonge véritablement au cœur de l’action.

Le fait de nous confronter à un « mourant » crée l’originalité du livre et lui donne toute sa valeur. En effet si la mort est souvent abordée dans des récits, elle n’est jamais aussi détaillée et prise pour presque agréable.

Un élément qui n’est pas oublié non plus est cette lettre qui nous rappelle qu’il faudrait toujours dire ce que l’on a sur le cœur avant qu’il ne soit trop tard, et que le mort fige l’image que les gens ont de nous pour toujours.

En bref, « Les choses de la vie » est un livre que j’ai sincèrement apprécié pour son originalité, son thème et sa morale qui nous pousse à ne plus jamais rien laisser en suspens dans notre vie.

Olilo - - 33 ans - 7 février 2008


PHILOSOPHIE DE LA VIE... 8 étoiles

Je n’ai pas grand chose à dire de plus que les critiques précédentes… la leçon à retenir de ce livre est que la mort peut vous surprendre n’importe où, n’importe quand, et que donc il vaut mieux ne rien laisser en suspens dans sa vie et de toujours dire à sa famille, ses amis, ses proches toujours tout ce que l’on a à leur dire…

J’ai beaucoup aimé le style et la beauté de l’écriture de Paul GUIMARD, tout en nuances, en légèreté, en subtilités… et malgré tout jamais ennuyeuse, jamais redondante…

La scène de l’accident et sa description minutieuse sont absolument fabuleuses et le livre mériterait d’être lu, rien que pour ce passage-là…

Enfin comme déjà dit plus haut, je tiens aussi à signaler que le livre a bien peu de choses à voir avec les deux versions cinématographiques qui s’en sont très (mais alors très) librement inspirées… ici ce qui compte c’est surtout une philosophie de la vie qui est à tirer de ces écrits…

Septularisen - Luxembourg - 56 ans - 1 janvier 2008


Guimard ou comment un livre peut influencer à ce point les lecteurs... 10 étoiles

Paul Guimard est, à n'en pas douter, un de mes auteurs préférés. Si j'apprécie du Cohen pour sa satire, du Zola pour ses idées ou du Beaumarchais pour sa légèreté et son audace, Guimard possède cette capacité à nous faire nous pencher sur nous-mêmes, sur notre vie quotidienne.

« Les Choses de la Vie » est bien l’un des rares livres qui m’a réellement poussé à changer mon comportement, ma manière d’aborder la vie et les rapports humains. Il m’a fait prendre conscience de la fragilité de la vie et surtout de l’impossibilité de changer les choses une fois que la mort survenait. Lorsque la mort emporte Pierre, tout en lui laissant le temps de réfléchir, elle fige la réalité, telle qu’elle était posée quelques secondes avant son accident :
- Les rapports humains ne se modifieront plus
- Les choses n’ayant de sens que pour Pierre n’en auront plus jamais pour personne
Ce sont les deux principales conséquences à retenir… La lettre qu’il regrette tant d’avoir écrite sera transmise à Hélène, qui ne connaîtra jamais la volonté de Pierre de la détruire. Comment, avec une telle œuvre, ne pas modifier son comportement de tous les jours ??
Je suis aujourd’hui dans une situation où, je ne peux accepter une « engueulade » avec des amis proches ou ma famille, de peur que les choses ne se figent, sans aucune possibilité d’y remédier. Ce livre fait réellement prendre conscience de choses pourtant évidente, en une centaine de pages.

De manière plus générale, Guimard, dans les différents livres que j’ai pu lire (« L’ironie du sort », « Le mauvais temps », « Un concours de circonstance »), amènent bien souvent des éléments « évidents », mais les met en lumière de manière si particulière, que l’auteur nous oblige à pousser la réflexion et à adapter notre comportement…

Inutile de préciser que les deux adaptations cinématographiques que j’ai pu voir (« Carrefour » avec Richard Gere et « les Choses de la Vie » avec Michel Picoli et Romy Schneider) sont extrêmement mauvais, faisant perdre tout le sens du livre, lorsque la lettre destinée à Hélène est finalement détruite… C’est le happy end cinématographique qui détruit ce qui fait de ce livre un chef-d’œuvre.

En un mot, merci à Paul GUIMARD pour son œuvre et sa simplicité, qui devrait décidément faire partie intégrante des programmes scolaires……

JFK - - 40 ans - 11 juin 2007