Comment vivaient nos ancêtres? De leurs coutumes à leurs habitudes
de Jean-Louis Beaucarnot

critiqué par Babsid, le 23 janvier 2007
(La Varenne St Hilaire - 36 ans)


La note:  étoiles
Tout était tellement différent!
Ce livre remplace "Ainsi vivaient nos ancêtres" publié en 1989 et introuvable depuis plus de dix ans. Agrémenté de nombreux encadrés, bourrés d'informations et de trésors, consacrés à l'origine et à l'histoire de nos mots et expressions, il se termine par un chapitre original, proposant, à partir de fiches pratiques, d'essayer de revivre à la façon de vos ancêtres!

Jean-Louis Beaucarnot dépeint ici la vie de nos ancêtres au jour le jour. Au fil des siècles et de l'année, du berceau à la tombe, il les fait revivre, dans un décor bien dépaysant et avec des mentalités qui paraîtront souvent étranges ou décalées.
Quels sont les origines et le sens de nombres de nos rituels? De la Chandeleur à Noël, en passant par le premier mai, le 14 juillet ou la curieuse "fête des fous"...

En quatre cents pages, c'est toute notre histoire et notre culture qui sont revisitées et éclairées, avec passion et talent!
L’histoire est encore dans les mots d’aujourd’hui 8 étoiles

Ne pas répéter ce que les critiques précédents ont très bien dit.
Plutôt donner quelques exemples d’une des facettes du livre : son intérêt pour l’étymologie.
- « clochard » vient du latin « cloppus » signifiant « boiteux ». Alors que la « cloche » de l'église vient d'un mot celtique arrivé par des moines irlandais en Gaule.
- Le bateau qui transportait des vivres entre Corbeil et Paris s’appelait le « Corbeillard ». Durant une épidémie de peste au XVIIe, il a servi à évacuer des cadavres, ce qui est à l’origine de notre…corbillard.
- cousin germain ? Les teutons n’y sont pour rien. Cela vient de « germe » et on le retrouve en espagnol dans « hermano et « hermana »).
- le « forban », c’était celui qui était hors ban, ce qui a donné aussi « banni » et « bandit ». Du « ban » vient aussi notre « banlieue » (une lieue autour de la ville).
- le péché le plus réprouvé est celui d’homosexualité. « Boulgre » puis « bougre » vient de « Bulgare » (une secte aux mœurs dévoyée expulsée de l’Empire romain d’Orient au Moyen Age et réfugiée en Bulgarie).
- le mot « veuve » vient de « vidua » (vide) et le mot « veuf » n’est apparu qu’au XVIe siècle. Ce n’était finalement qu’une fois veuve que la femme était majeure et pouvait se remarier sans l’autorisation de quiconque, bénéficiant même d’un droit de « douaire » (la douairière) lui donnant l’usufruit d’une partie des biens de son mari.
- la plupart des maladies sont soignées grâce à de vieilles recettes, dites de « bonne fame » (bonne renommée) et non de « bonne femme ».
- la soupe ? Son nom vient du néerlandais « sopen » qui signifie « tremper ».
- après de longues « pérégrinations », les « péregrins », devenus « pélerins » parviennent à leur but, vêtus de leur « pèlerine ». Ils arborent une coquille de Saint-Jacques. Certains, pour mieux profiter d’autrui, se faire inviter et rançonner ensuite, arborent la coquille aussi : ce sont les « coquillards » ou « coquins ».
- pour nos ancêtres, le diable pue, c’est le « puant » ou le « put », ce qui donnera « putaine fille » et finira en « pute ».
- le sel est cher, si cher et indispensable (conservation des viandes) qu’il supporte un impôt exorbitant, la « gabelle ». On vend le sel en le « radant », c’est-à-dire en le mesurant « à ras », d’où sans doute l’origine du mot « radin ».

Et, pour terminer, un florilège de pensées ignobles sur les femmes :
- « En tant qu’individu, la femme est un être chétif » (saint Thomas d’Aquin, XIIIe). Merci mon bon saint.
- « Le Christ est le chef de tout homme et l’homme est le chef de la femme. […] L’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme de l’homme ; et l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme ». Eh oui, encore un bon chrétien : c’est tiré de la première épître de saint Paul aux Corinthiens.
- Ou le sermon de saint Augustin : « Homme, tu es le maître, la femme est ton esclave, c’est Dieu qui l’a voulu. […] Oui, vos femmes sont vos servantes ». (Sermon 322).

Maintenant, soyons de bon compte avec Balzac (« Emanciper les femmes, c’est les corrompre ») et même avec Proudhon (« La femme ne peut être que ménagère ou courtisane »).
Pauvres femmes.
D’autant qu’elles avaient quinze grossesses par vie à moins que cette vie ne soit un rien plus courte que prévue : 10% des accouchées n’en sortent pas vivantes. C’est dire que les messieurs sont veufs fort tôt (un homme sur quatre l’est avant 35 ans). Moins en danger que les femmes, les hommes ont toutefois bien d’autres occasions de mourir jeunes eux aussi. Cela donne de drôles de familles « recomposées » (on se remarie très vite) où certains enfants n’ont plus de lien de sang avec aucun des deux « parents ».

Bolcho - Bruxelles - 75 ans - 20 novembre 2012


Un monde perdu 10 étoiles

Confinés dans nos commodités de vie moderne, il nous est bien difficile de nous faire une idée juste sur la façon dont vivaient nos ancêtres avant la venue de l'électricité, de l'automobile, la radio, la télé et autres internet. Ce mode de vie, basé sur des rituels précis a commencé à disparaître non pas avec la Révolution de 1789 mais avec les vrais débuts de l'industrialisation, c'est à dire vers 1850. Pendant des siècles voire des millénaires, nos ancêtres ont toujours vécu de la même manière, dans le même inconfort sous la tutelle du château et de l'église puis sous l'égide de l'école et de la mairie après l'avènement de la République..
Jean-Louis Beaucarnot avec une érudition et une culture historique immense nous promène d'abord à travers les siècles dans une sorte de panorama anthropologique passionnant, puis nous décrit « le roman vrai d'une vie avec ses paliers, ses rites de passages obligés (naissance, communion, service militaire, mariage et décès). Tout fonctionne par cycles dans une morale chrétienne pointilleuse. Il en est de même du « Roman vrai d'une année » avec ses travaux et ses jours, ses jours de labeur et ses jours de fêtes (avec les charivaris, la fête des fous etc...). La journée de l'homme d'autrefois était également ordonnancée de façon très rigoureuse du réveil à 5 heures aux veillées au coin du feu sous le regard permanent de la communauté. Rien à voir avec l'individualisme actuel.
Le mérite de Beaucarnot est de nous montrer avec mille anecdotes combien ce fameux bon vieux temps n'était pas si idyllique que certains romantiques se l'imaginent. Et pour mieux enfoncer le clou, dans le dernier chapitre (« Pourriez-vous vivre sans pétrole »), il propose dix fiches techniques histoire d'essayer concrètement de vivre comme nos ancêtres et ce ne serait pas triste... Exemple : Fiche 7 : « Soyez propres à la manière de vos ancêtres »
« Imaginez donc une journée sans eau courante, sans eau froide ni chaude, et réapprenez à passer cette journée avec un seul seau d'eau. (...) Remplissez en fait simplement ce seau et essayez de vous contenter de son contenu tant pour faire votre toilette, votre ménage et votre cuisine que pour étancher votre soif. (...) Souvenez-vous qu'au XVIIème siècle, la plupart des gens de la noblesse eux-mêmes, qui représentaient l'élite évoluée du pays, estimaient de très bon ton d'avoir « un peu l'aisselle surette et les pieds fumants ». Souvenez-vous aussi que nos ancêtres consommaient beaucoup de fleur d'oranger et de lavande. Vous comprenez dès lors un peu mieux pourquoi... »
Un charmant bouquin. A lire.

CC.RIDER - - 66 ans - 12 juillet 2007