La route de Chlifa
de Michèle Marineau

critiqué par Calepin, le 12 janvier 2007
(Québec - 43 ans)


La note:  étoiles
Intensité et humanité
Lorsqu’on dit qu’un livre jeunesse n’a pas de force, n’offre pas une vision sur le monde bien sentie, c’est tout à fait faux. J’ai adoré La route de Chlifa. Je ferai le tout chronologiquement pour essayer d’avoir un certain ordre. D’abord, j’ai toujours aimé avoir une carte à l’appui lorsqu’on parle d’un endroit connu. Pour le texte lui-même, l’utilisation des lettres de Karim permet une vision très personnelle, profonde, mais surtout criante de vérité et de réalisme. On perçoit aussi l’approfondissement de la psychologie de Karim qui, tout au long du récit, ajoute une grande puissance émotive. Toutefois, dans la première partie, j’ignore qui est le narrateur et même la troisième partie ne m’apporte pas davantage la réponse. J’en déduis que c’est un autre élève du groupe, mais j’aurais aimé savoir qui c’est.

Dans la seconde partie, le thème de la guerre revient et Michèle Marineau arrive à nous le faire vivre, cet état de vie de chaque instant. J’aime particulièrement le fait qu’elle n’essaie pas de la rendre plus belle, de l’idéaliser. Et cette réflexion sur « la guerre blasée », qu’au bout du compte, tout le monde autour d’eux s’en fou. J’ai adoré ça. L’auteure tisse aussi l’attirance sexuelle vécue à cet âge d’un point de vue très juste, ce qui me permet de me voir, au même âge, aux mêmes sentiments. Les descriptions sont bien senties, se relient souvent à l’émotivité du personnage et nous amènent des réflexions profondes sur la vie. Utilise aussi le questionnement existentiel des jeunes pour y arriver. L’un des points les plus forts de cela est sans doute les paroles de Maha, lorsqu’elle parle de ce qu’elle aime et ce qu’elle déteste. Karim s’en sert plus loin et vient amener l’importance des nuances, que tout n’est pas taillé au couteau comme le monde veut nous le faire croire. L’auteure a réussi à rendre quelque chose d’ultimement complexe à une vision simple, facile à comprendre. J’aime aussi les sentiments de jalousie que vit Maha à l’égard de sa sœur. Ils sont crus, vrais, sans détour et sont venus me chercher au point où je pouvais me les approprier. Mais c’est également l’évolution de l’attachement entre ces deux jeunes gens qui est intéressante, jusqu’au point fatidique. J’ai appris à apprécier le personnage de Maha, dans ce qu’elle est, dans sa douleur comme dans ses rêves. Si l’auteure a réussi à le permettre, c’est sans doute parce qu’elle maîtrisait ses personnages.

J’aime moins la troisième partie, en particulier pour les pages 234 et 235. Au moment où Karim énumère ses constatations, après son accident, en faisant un point sur sa vie. Les deux premiers sonnent TELLEMENT moralisateurs, on dirait trop que l’auteure essaie trop de passer un message, c’est vraiment moche. Elle se rattrape heureusement avec le troisième en la rendant plus personnelle à Karim, où l’on retombe dans ses réflexions. En général, le vocabulaire est approprié selon moi, outre le mot « Stridulation » qui n’est pas nécessaire à mon avis. C’est de loin le roman jeunesse que j’ai le plus aimé jusqu’ici, bien qu’il soit pour une catégorie de lecteurs plus âgés.