Le théâtre et son double
de Antonin Artaud

critiqué par Loco-émotive, le 15 décembre 2006
( - 47 ans)


La note:  étoiles
Prendre le risque de l’acte vivant!
Le théâtre et son double est une secousse physique contre toutes nos vielles idées sur l’art … et sur la vie. Artaud fait voler en éclats tout ce fatras de culture sclérosée, morbide séparation qui nous veut endeuillés, l’art d’un côté et la vie de l’autre. Il a ce regard perçant qui tout d’un coup démasque toutes nos conceptions de la culture comme les garde-fous bien-pensant d’un ordre qui veut sceller la vie.

A chaque instant nous est donné de voir la supercherie et de prendre le risque de voir et de perdre ces images confortables balayées d’un mouvement. La vraie culture est d’éprouver les forces qui ébranlent nos vies. Secousse sismique pour l’écroulement de toutes les formes figées de l’art.

Artaud reprend contact avec les forces de vie en retournant à la source du rituel mais il place en la tradition une confiance qu’elle ne mérite pas, qui n’est que le revers de sa critique de l’occident, car elle tout aussi périmée. C’est un appui au départ pour pointer l’ignorance de notre monde et sa fascination pour les formes mais c’est tout autant une illusion car l’Orient est enchaîné par son allégeance aux forces ancestrales. Il propose comme solution à l’inertie les bonnes vieilles ficelles des transes occultes pour parvenir à une physique de la poésie, l’ébranlement nerveux du corps pas les forces invisibles.
Exotique ! Certes mais vain car ce sont aussi et plus que jamais des formes qui se maintiennent par l’inertie des hommes.
Il pourfend les formes figées, mais il tient encore à ce qu’il appelle les lois du destin, et qu’un savoir secret détiendrait dans ces cultures.

Y résonne l'itinéraire d’une ethnologue affamée revenue d’ailleurs sans l’avoir trouvé, butant sur un miroir qui renvoie inversée l’image de l’impasse humaine et n’entame en rien le mystère d’être là.

Il y a cependant une réelle énergie dans ces textes écrits entre 1932 et 1936, c’est encore un acte vivant et bouleversant qui pressent que « nous ne sommes pas libres. Et le ciel peut encore nous tomber sur la tête ».