L'empreinte du renard
de Moussa Konaté

critiqué par ValdeBaz, le 13 novembre 2006
( - 59 ans)


La note:  étoiles
Enquête en pays Dogon
"Chez les Dogons, on peut tuer sans être vu, sans utiliser une seule arme".
C'est avec ces éléments que le commissaire Habib et son acolyte Sosso doivent enquêter sur un double meurtre. Dans un climat hostile et un univers qui leur est inconnu, parviendront-ils à imposer leurs techniques rationnelles contre coutumes, religion et fétichisme ?
Polar hors norme et dépaysant, embarquement pour le Mali
made in dogon 10 étoiles

Un polar malien, mettant en scène le commissaire Habib (Kéita de son patronyme) et son fidèle adjoint Sosso. Dépêchés par le gouvernement central de Bamako, ils sont chargés d'enquêter sur une série de morts mystérieuses dans un village Dogon régi par des lois ancestrales. Une enquête difficile, chacun se taisant ou attribuant ces décès à un personnage capable de "tuer sans être présent". Moussa Konaté nous plonge au cœur de "l'africanité", tout en distrayant le lecteur avec son humour et son imagination débordante. Derrière les aventures du fameux commissaire Habib, héros récurrent d'une série policière, Moussa Konaté décrypte le fonctionnement d'une société coincée entre des principes juridiques et politiques calqués sur le modèle occidental (et directement hérités de la colonisation) et des règles ancestrales destinées à assurer l'équilibre et la pérennité des sociétés tribales. Il délivre par la même occasion son propre message, que le lecteur découvrira aisément lorsque le commissaire Habib conclura son enquête. Un polar "à l'africaine" particulièrement réussi et remarquablement écrit.

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 75 ans - 21 octobre 2012


La magie du pays Dogon 7 étoiles

Après un voyage magique au pays Dogon en février, je ne pouvais laisser passer un petit polar d'un auteur malien, Moussa Konaté, qui met en scène le commissaire Habib de Bamako aux prises avec les mystères des différentes ethnies du pays : les pêcheurs bosos, les dogons, ...
Pour débuter la série, j'ai bien sûr choisi L'empreinte du renard qui nous emmène au pied de la fameuse falaise de Biandagara, dans les villages du pays Dogons.
Bien sûr mon avis est partial : je reviens de là-bas et j'ai retrouvé dans ce petit bouquin tout plein de traces, non pas de renards, mais de la magie de ce pays préservé. Les femmes qui remontent la falaise avec leurs emplettes, les tissus bogolans, les rares mosquées et les rares musulmans de cette région animiste et réfractaire à l'islamisation, les sépultures nichées dans la falaise, les ruelles des villages et leurs greniers, les champs d'oignons sur le plateau, la danse du masque et le masque de la grande maison, ... j'en passe (et des pages du bouquin et des photos de l'album).
Au point que je me demande si ce bouquin sera autant apprécié par ceusses qui n'ont pas encore eu la chance de voyager là-bas (la réponse est "oui", d'autres ont bien aimé également !).
L'écriture est fraîche et naturelle, pour nos esprits européens nourris de fioritures sophistiquées, et cette simplicité laisse toute sa place à l'histoire contée, comme dans une légende dogon.
La subitilité vient de la mise en scène du commissaire Habib, venu de la capitale Bamako et qui débarque pour enquêter au village dogon comme sur la lune. Il est étrange de réaliser ainsi qu'il y a pratiquement autant de différence culturelle entre Paris et Bamako ... qu'entre Bamako et Biandagara ...

[...] - Dis-moi, demanda le commissaire au chauffeur, tu les connais les Dogons ?
- Personne ne peut jurer qu'il connait les Dogons, répondit Samaké avec une gravité inhabituelle. Il y en a à Mopti et un peu partout dans la région, mais c'est surtout à Bandiagara et dans les villages voisins qu'ils vivent. Moi, je me méfie d'eux.
- Tiens ! Et pourquoi ? s'étonna le policier.
- Parce que ce sont des gens qui ont des pouvoirs de sorcier. Tu as vu leur façon de vivre dans les villages ? On se croirait au temps de nos ancêtres.
- Ils ne semblent pas malheureux, c'est l'essentiel.
Rien ne prouve qu'ils voudraient vivre comme toi.
- Je sais, mais je veux dire que ce sont des gens d'un autre temps. Je les crains parce que je ne les comprends pas. Et avec tout ce qui se dit sur eux, il y a de quoi.
- Et qu'est-ce qu'on dit d'eux ? insista Habib.
- On dirait que tu mènes une enquête comme si tu étais policier, lança le chauffeur en regardant le commissaire.

Ce qui explique sans doute en partie la "magie" d'une visite au pays dogon : ce n'est pas seulement l'Afrique qu'on y découvre, mais quelque chose comme l'Afrique de l'Afrique ...
Le bouquin est simple, l'intrigue aussi : on se doute bien que les assassinats magiques ou rituels cachent un règlement de comptes entre quelques gardiens de la tradition ancestrale et d'autres qui ont cru pouvoir toucher de l'argent pas très propre au mépris des us et coutumes dogonos.
Cette simplicité nous vaut quand même quelques pages absolument superbes quand le commissaire de la capitale interroge les vieux du coin (le devin, le Grand Hogon, ...) : de véritables joutes oratoires toute en subtilités, en non-dits et sous-entendus, véritables parties de cache-cache où il s'agit de parler sans dire, de reconnaître sans avouer, ...
Précipitez-vous au pays Dogon, un des plus beaux voyages qui puissent être, puis sur les bouquins de Moussa Konaté pour prolonger la visite.
On voyage plutôt souvent et plutôt partout : mais on est bien forcés de constater qu'une fois attrapés, l'Afrique ne nous lâche plus. On pense retourner au pays Dogon l'an prochain, à la saison des pluies cette fois, histoire de surprendre le Mali verdoyer.
D'autres enquêtes du commissaire Habib nous feront patienter d'ici là.

Pour accompagner la lecture, nos photos sont ici : http://carnot69.free.fr/Mali%202009/index.html

BMR & MAM - Paris - 64 ans - 13 juillet 2009