Contemplation (ou Regards)
de Franz Kafka

critiqué par Sahkti, le 12 novembre 2006
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Fragments de la vie qui s'écoule
"Contemplation" est un des titres donné au recueil qui contient les textes formant l'ensemble "Regards", publié en 1909.

Si je m'en réfère au titre original (Betrachtung) et à sa traduction française, je me retrouve face au choix à faire entre "réflexion" dans le sens introspection et aussi "regard" dans le sens contemplation. Deux sens assez différents, un nouveau problème de traduction et donc d'interprétation, comme je l'avais déjà rencontré dans "La Métamorphose" où certaines éditions proposent "vermine" (et non cancrelat ou cafard), plus proche de l'idée de base à mon sens et moins réductrice que le nom d'un insecte.

Bref. En considérant donc les deux visions possibles, je me rends compte qu'en fait, les deux se croisent et s'entrecroisent dans cet ensemble de textes très courts, parfois minimalistes. Il y a le regard que le narrateur jette sur le monde et la réflexion que cela lui inspire, sur lui et sur sa relation avec autrui.
De quoi permettre dès lors une approche différente de certains passages au premier abord bien simplistes. Je pense par exemple au texte sur le filou démasqué ou à celui sur la promenade inopinée. De quoi me permettre de dépasser cette première impression de rédaction scolaire bien travaillée et consciencieuse pour en arriver à une réflexion plus personnelle sur la vision que pouvait avoir Kafka du monde et des gens qui l'entouraient. Réflexion qui a certainement dû varier au fur et à mesure de sa vie et de son oeuvre, tant dans sa formulation que dans son expression.
Un sentiment général de lassitude et de résignation me frappe dans la plupart de ces récits. Le narrateur observe, avec pas mal de passivité, ce qui se passe autour de lui ou ce qui se produit dans sa vie. Le tout teinté d'un fatalisme qui est peut-être un des sentiments les plus vivement ressentis par Kafka à l'époque, alors qu'il se cherchait, se remettait constamment en question, doutait de son écriture et se demandait "A quoi bon?". Le texte consacré aux enfants qui jouent sur la route et doivent rentrer le soir venu illustre assez bien à mes yeux cette notion de résignation, cette envie de braver l'interdit qui jamais ne se réalise. Une résignation que l'on retrouve également dans le thème du filou démasqué en la personne de l'inconnu d'un soir qui accepte assez vite que l'invité le quitte et de l'invité lui-même qui se rend à une soirée parce qu'il faut bien.

Est-ce qu'un format plus long aurait permis à Kafka de davantage développer ces thèmes? Peut-être ne se sentait-il pas prêt pour cela et que la composition de courts textes considérés comme exercices littéraires lui a permis d'affiner une écriture et le moyen d'exprimer ce qu'il ressentait. Cela expliquerait peut-être le côté maladroit et désuet de certains fragments de ces "Regards" qui me laissent quelque peu sur ma faim, même si j'y perçois déjà quelques thèmes chers à l'auteur.