Disparaître de Patrick Poivre d'Arvor, Olivier Poivre d'Arvor

Catégorie(s) : Littérature => Romans historiques

Critiqué par Danriot, le 28 octobre 2006 (STRABOURG, Inscrit le 17 février 2005, 78 ans)
La note : 9 étoiles
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T. E. LAWRENCE VU PAR PATRICK ET OLIVIER POIVRE D'ARVOR: Le roman (excellent) d'un mystère fascinant

Il est des retrouvailles manquées… Pour des raisons bien indépendantes de ma volonté, selon la formule consacrée, j’ai manqué une belle rencontre avec PPDA et son frère Olivier. Mais j’ai lu leur dernier livre écrit à quatre mains »Disparaître », chez Gallimard. Une très belle rencontre, ce roman !

Je m’en faisais pourtant une joie de les revoir les Poivre Je ne suis pas de ceux qui critiquent ou dénigrent Patrick. Sur Tf 1 il est de ceux qui démentent la stratégie de « temps de cerveau disponible» de Lelay, son patron. C’est vrai dans son 20 heures qui reste (belle longévité et fantastique régularité !) le JT le plus riche en infos. C’est vrai dans « Vol de nuit » (trop tardive, hélas !) qui est une émission littéraire qui sait éviter les aboiements des bateleurs… Et je garde de chacune de nos rencontres des souvenirs d’enrichissement. Un homme de qualité et un journaliste hors pair.

J’aime aussi beaucoup son frère cadet qui fait honneur à la Culture française à l’étranger à la tête de l’Association française artistique. Cette culture que les gouvernements, nos universités et notre élite « écriturière » ne soutiennent pas assez…Heureusement que les Québécois, les Belges et quelques autres d »fendent cette francophonie que nous célébrons plus que nous la servons. D’ailleurs les deux frères ont publié récemment un article dans le Figaro qui exhorte les candidats à l’Elysée à s’en préoccuper, au moins un peu…


C’est bien sûr de leur dernier livre dont nous devions parler. En bien. Car il est excellent. Dans la forme, et dans le fond. Dans sa portée rétrospective et dans les réflexions qu’il inspire. Sur la vanité de l’obsession de la trace. Sur les mirages de la célébrité. Sur la vie comme fuite (en avant et en arrière). Sur la solitude aussi.

Quelle bonne idée de s’être emparé du grand Lawrence sous cette forme romancée ! Les derniers moments d’un homme dans le coma qui revoit toute sa vie ou presque par les deux narrateurs qui jouent avec la typographie, avec le temps, avec toute une série de trouvailles : confidences (vraies ou fausses) chuchotements, récits imaginés ou reconstitués, vrais et faux documents, articles apocryphes, descriptions de scènes de chasse journalistique, surenchères médiatiques, personnages secondaires riches de personnalités bien dessinées, et projection de rapports fraternels que seuls deux frères comme les Poivre d’Arvor peuvent les imaginer…


Au fil des pages, des voyages dans l’espace et dans le temps, Dans les déserts d’Orient, bien sûr Et dans cette époque qui nous colle encore tellement à la peau, celle du début du dernier siècle avec ce qu’il charrie de réalités peu réconfortantes et de périls (colonialisme, Levant, révolte contre les Turcs, fin des empires, naissance des nationalismes notamment arabe et juif) … Une belle tranche d’histoire et in beau chapelet de légendes.

Au fil des chapitres, surtout, la personnalité de T.E. Lawrence (1888-1935), : le Mystère Lawrence ! On résume, dans les pas d’Olivier et de Patrick : une « naissance douteuse » (enfant adultérin) ; « une mère épuisante » ; « le goût du fouet » ; « la rencontre avec l'Orient » ; « la Révolte arabe contre l'Empire ottoman » et « l'effacement de soi-même », le renoncement au monde, à trente-quatre ans. En fuyant la célébrité, l’héroïsme, les honneurs « J'en ai fini avec la politique, fini avec l'Orient, et fini avec l'intellectualité. Dieu que je suis donc las ! Je voudrais donc me coucher et mourir. ».


En quinze mois, Lawrence avait pourtant libéré du joug turc le Hedjaz, la moitié de la Palestine, la Syrie et la Jordanie. Mais les politiques lui ont volé sa victoire. Raison d’Etat. Et ils l’ont trahi, l’ont perverti, l’ont détourné. . Il entre en écriture avec deux chefs-d'oeuvre, « Les Sept Piliers de la sagesse » et « La Matrice ». Mais l’écriture aussi a ses limites, sa vanité…

A quarante ans, le colonel Lawrence cesse d'écrire, s'engage dans la Royal Air Force comme simple soldat. Sous un faux nom, John Hume Ross. Sa vie durant, il aura multiplié les pseudonymes : T. E. Shaw, T. E. Tel, T. E. Smith... « Ces alias d'identité sont autant d'aléas au bonheur », écrivent Patrick et Olivier Poivre d'Arvor. Car le « roi sans couronne », l'« émir dynamite », le « diablotin du monde » eut « une vie de douleur et de solitude sans compromis, une vie tragique, semée de contradictions, de volte-face, d'épreuves historiques comme personnelles. Où les ambitions sont à la hauteur en creux - des dépressions ». D’où la volonté de fuir. « Fuir, fuir, en sorte que personne ne me rattrape ». Fuir sa vie intérieure, « vraie guerre civile ». Fuir « en brouillant toutes les traces ». Fuir jusqu’à « être mort au regard des autres et renaître pour moi seul ». Fuir pour s’effacer « de la grammaire du monde ». Fuir tout, y compris « le temps passé à passer le temps ». Fuir et « disparaître ». Comme « la mangouste dans le désert, gris, jaune, ocre, au gré du soleil ». Comme des pas de l’homme dans le désert.

Un très beau livre, Patrick et Olivier. Qui vaut bien des prix Goncourt d’hier .Et qui mériterait de beaux prix d’aujourd’hui. Couronné ou non, ce roman est à lire, à déguster. Et à faire lire.



>>>>>DISPARAÎTRE [2006], 336 pages, 140 x 205 mm. Collection blanche, Gallimard -rom. ISBN 2070779661.
Parution : 21-08-2006.

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