Ma vie sur le fil
de Thomas Hüetlin, Reinhold Messner

critiqué par Mae West, le 2 octobre 2006
(Grenoble - 73 ans)


La note:  étoiles
le mystère Messner
Le mystère Messner

L’homme est hors du commun, son parcours est hors normes.
Ce loup des cimes fut le pionnier de l’escalade des temps modernes, il a inventé le septième degré, l’Himalaya sans oxygène, les expéditions légères en haute altitude, les chaussures à coques qui ne gèlent pas les pieds. Il fut le premier à vaincre les quatorze « 8000 », les enchaînant parfois, sans oxygène, seul souvent. D’autres sont morts d’avoir tenté l’impossible. Messner a survécu : à la déshydratation, à la privation de nourriture, à la fatigue intense, au manque d’oxygène, à l’ivresse ou l’apathie des sommets, au froid glacial et à la chaleur irradiante de haute altitude, aux chutes de rochers et de séracs, aux descentes de parois verglacées, bref, aux conditions extrêmes de l’alpinisme extrême.

Dans ce livre conçu comme une interview, le lecteur découvre les multiples facettes d’une vie d’aventurier :
Au-delà de l’alpiniste célèbre que tout le monde connaît, Reinhold Messner se révèle un explorateur et un citoyen engagé. Naturellement son engagement l’a porté vers le parti écologique, au parlement européen, où il apprécia la personnalité de Daniel Cohn Bendit. Naturellement, ses expéditions en terres sauvages le portent vers les peuples qui y habitent et vers leur mode de vie : l’autarcie, l’harmonie avec l'environnement, la croissance zéro. Un modèle qu'il applique à sa ferme modèle où il pratique l'agriculture et l'élevage "bio"

Au cours de l'entretien, Reinhold Messner répond sans détour aux questions parfois difficiles que lui pose Thomas Hüetlin, journaliste au « Spiegel ». Parfois cependant il lui arrive d'éluder, quand on aborde le domaine des sentiments.
La montagne est un maître implacable . Pour pouvoir toucher le ciel, il faut affronter l’enfer.
Il lui a fallu non seulement souffrir dans son corps mais aussi renoncer, recommencer, essuyer des échecs. Ces échecs qui sont, dit-il, le tremplin sur lequel il rebondit. Il ne se plaint jamais. Chaque fois que le destin l’a empêché de poursuivre dans une direction, ce fut l’occasion pour lui de faire autre chose, d’explorer d’autres domaines, d’exécuter d’autres projets. Le dernier projet en date est un musée de l’Alpinisme, conçu comme un musée d’ œuvres d’art.

Il n’a aucun regret. Sauf son jeune frère Gunther, complice solidaire de leur enfance rude dans le Tyrol du sud, son premier compagnon de cordée littéralement perdu au cours d’une expédition au Nanga Parbat... sans corde. Un enchaînement de circonstances invraisemblable. Une tragédie, aux dimensions mythiques. Un mauvais procès qui n’est pas encore terminé. Une plaie qui ne se refermera jamais.
Loin des images d’Epinal et des chromos, Reinhold Messner affirme que les alpinistes ne sont pas des anges. Et qu’ils sont des êtres responsables. Sec, tranchant, sans concessions, dur avec les autres comme envers lui-même, sa vie lui ressemble : c’est sur le fil du rasoir qu’elle se tient.

Sa devise s’inscrit en cursive sur le site internet qui lui est consacré : « Ich bin was ich tue » « Je suis ce que je fais »
Assurément, celui qui a écrit cela est un géant car comment, sinon, pourrait-il avoir accompli tant de choses ? D'où tirerait-t-il cette formidable énergie qui le pousse (presque) à déplacer des montagnes ?

Le livre se referme sur la solitude des grands espaces glacés, le mystère du grand Messner reste entier.
Un dieu vivant s'exprime 8 étoiles

Mon avis :

Merci Mae West, tout est dit dans votre commentaire.

Messner fait partie des rares dieux de l'alpinisme encore en vie et à la retraite. Qu'on aime ou pas le style du bonhomme, on reste en admiration totale pour son "oeuvre" montagnarde unique et sans équivalent.

Ce livre permet de cerner un peu mieux cet extra terrestre qui inaugura le club très select des hommes ayant gravi les 14 sommets de plus de 8000 mètres sans oxygène.

Gnome - Paris - 53 ans - 5 décembre 2010


Admiration 8 étoiles

Ce livre est une interview entre un journaliste assez objectif (et dans le cas de Messner, c'est très rare) et ce grand alpiniste tyrolien du 20°siècle. Les questions posées sont bien tournées, assez claires et complètes et concernent à la fois son enfance, ses aventures, ses émotions, ses opinions politiques et culturelles, sa relation avec les autres.
Le personnage s'exprime bien, d'un ton un peu pédant parfois, toujours sincère pourtant.
Cet homme est un sur-homme ; quand bien même on détesterait sa vantardise, on répudierait certains de ces faits, on lui reprocherait la mort de son frère et de bien d'autres alpinistes.... on ne peut être qu'admiratif devant une condition physique et psychologique si parfaite.

Elya - Savoie - 34 ans - 15 mai 2009