Brumes de Francis Carco

Brumes de Francis Carco

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Montgomery, le 27 août 2006 (Auxerre, Inscrit le 16 novembre 2005, 52 ans)
La note : 8 étoiles
Discussion(s) : 1 (Voir »)
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M’sieur Francis nous parle d’amour : c’est sans espoir !

La brume qui enveloppe les phrases de Francis Carco n’est pas là pour masquer les choses mais bien pour les montrer dans toute leur vérité. Cette vérité, que par facilité je qualifierais de cruelle (puisque humaine ?), à moins que ce soit l’inverse, prend forme dans un univers typiquement carcosien.

D’abord le décor. Un port belge difficilement identifiable où se succèdent les bistrots à marins et les « magasins », en fait des chambres donnant sur la rue et occupées par des prostitués. Pour accentuer le côté dramatique, Carco situe son histoire pendant une quarantaine particulièrement pénible pour les autochtones qui doivent régulièrement se soumettre à des piqûres aux effets parfois mal maîtrisés.

Les acteurs ensuite. Des gens peu fréquentables, on s’en doute, qui traînent une misère autant matérielle qu’affective. On trouve le cabaretier hollandais, Feempje, manchot mais craint à cause d’un redoutable crochet qu’il sait brandir à bon escient ; celui-ci règne en maître dans son établissement, le Montparnasse. Il est maqué avec Flossie, la danseuse du bar qui ronfle et se cuite comme un homme à 23 ans à peine. Il y a aussi Koetge, sorte de mère maquerelle vieillie avant l’âge, dont on a peine à croire qu’un jour elle fut belle. Viennent ensuite deux filles rivales : d’un côté Lulu-la-parisienne et, de l’autre, Geïsha en ménage intermittent avec Adolf Soter, un docker polonais que l’on a jamais vu saoul. Enfin, et ce n’est pas le moindre des personnages, Lionel Poop, un vieillard mystérieux attiré par Geisha, on découvrira par la suite qu’il fut l’amant de la repoussante Koetge.

Au centre du tableau, deux hommes que beaucoup de choses opposent, Poop et Feempje. Avec le premier, c’est le romantisme triomphant ; il connaît les balades en bord de mer à deux, les lettres de maîtresses désespérées : «l’ivresse de se mêler à l’univers » lui est familière pour reprendre la belle expression de Carco. Avec Feempje, l’amour se fait brutal, rancunier, sanguinolent : la main qui lui manque en est paradoxalement la trace.
Si les chemins de l’amour divergent radicalement d’un personnage à l’autre, le dénouement est chez Carco le même, tragique et pessimiste diront les plus exaltés, glauque et désespéré rectifieront les plus fatalistes. Ce roman est exemplaire de ce que sait faire Carco : des romans très noirs dépourvus de leur personnage traditionnel (le « détective miteux ») et de leur prétexte (l’ « intrigue policière »).

Pour apprécier, il faut aimer.

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  Brumes 1 Croc-Bleu 9 juillet 2018 @ 22:23

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