Achevé d'imprimer
de Olivier Mau (Scénario), Rémy Mabesoone (Dessin)

critiqué par Shelton, le 26 août 2006
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Angoisse de la page noire ?
Lorsque l’on prend dans ses petites mains avides de lecteur potentiel cette bande dessinée on est pris d’un sentiment étrange tant la machine à taper de la couverture ressemble à un être humain… D’ailleurs, c’est peut-être bien le cas. Les auteurs sont probablement innocents. Ils n’y sont pour rien dans cette diabolique histoire. C’est la machine qui a tout fait, en tout cas écrit ce scénario époustouflant, effrayant, étonnant, atypique, noir, démentiel, cruel, policier, désespéré et désespérant, fascinant… Et ma liste pourrait ainsi reprendre tous les mots du dictionnaire ce qui serait un étrange hommage fait à Julien, l’écrivain dont il est question dans cette histoire…
Julien est un écrivain qui n’a jamais publié mais qui se dit, quand même, auteur. Il entretient sa légende, son fantasme, son image, son statut… Ce n’est pas facile, car, pour le moment, les grands éditeurs qui reçoivent ses manuscrits sont unanimes :
« Toutes vos histoires n’entrent pas, et loin de là, dans le cadre de nos publications. »
Oui, en clair, il pourrait ressembler à un pauvre type, un écrivain raté, un prétentieux malfaisant… D’ailleurs, malfaisant, il pourrait bien le devenir très rapidement… Car la différence entre un honnête homme et un criminel, entre un bon employé et un tricheur… ça tient à pas grand chose…
Julien doit devenir quelqu’un. Il ne peut pas se laisser détruire par la jalousie, les échecs, les non-aboutissements de sa vie… Mais, cette vie, imaginée par Olivier Mau, à moins que ce soit par une machine à taper laissée en liberté, est des plus machiavéliques…
Le pire, c’est que je ne peux pas vous en dire trop sans prendre le risque de vous couper toute envie de lire cet album, un « one shot », donc une histoire sans suite… et pour cause ! Mais ce qui est certain, c’est que le destin de Julien devient digne des grands personnages de romans… Ce qui est aussi une reconnaissance pour ce scénariste, passionné de polars et de littérature noire, auteur déjà de quelques bonnes choses…
Le dessin est noir à souhait. On ne peut même plus parler de narration graphique efficace ou pas, le dessin est comme craché, vomi sur les planches. Il est là comme autant de ponctuations au texte, comme autant de coups portés au lecteur qui ne peut pas sortir indemne de cette lecture…
Comment survivre, pour le lecteur s’entend, aux pages 36, 37, 38 et 39 ? Julien et Victoire sont un petit couple sympathique qui s’aime, qui construit son avenir… ou qui le détruit de façon méthodique…
Mais cette histoire n’existe pas ! Si, elle existe puisque je viens de vous en parler ! Non, ce n’est qu’une histoire écrite par Julien pour son éditeur ! Erreur, c’est son destin raconté par des témoins après qu’il n’ait pas pu faire autrement que de « péter ses plombs » ! Mais s’il a « explosé en vol », il n’est pas responsable ! On peut lui pardonner !
Non, ne cherchez pas plus loin, cette chronique peut vous sembler confuse car les auteurs ont décidé d’être assez ambigus pour vous donner, vous offrir, la possibilité de finaliser l’issue de cette intrigue… Fiction contre réalité, destin humain contre carrière d’écrivain, homme contre animal…
Julien qui es-tu ? Que veux-tu réellement ? Quel est ton avenir ? Une telle histoire pourrait-elle se produire de nos jours, dans nos sociétés modernes ? Amis lecteurs, vous ne trouverez pas les réponses à ces questions, juste des indications pour vous aider à construire les vôtres, ce qui est encore plus fort !!!