Une enquête de Mary Lester, tome 22 et tome 23 : Le Renard des grèves
de Jean Failler

critiqué par Shelton, le 21 août 2006
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Quelle histoire de silence...
Il m’est souvent arrivé de vous dire que les romans policiers de Jean Failler, cette fameuse série des enquêtes de Mary Lester, pouvaient souvent être classés en romans, tout simplement, mais c’est encore plus justifié pour cette histoire, Le Renard des grèves, qui est composée de deux volumes, très exceptionnellement.
Il faut dire que ce roman a toute une histoire, délicate pour l’auteur puisque la justice s’en est mêlée et a même prononcé un jugement en défaveur de l’auteur et de son éditeur… Alors prenons le temps de voir de quoi il s’agit…
Nous sommes en Bretagne, dans le Finistère Nord, dans deux petits villages dont Jean Failler a changé quelque peu les noms, Kerlaouen et Meznam. Kerlaouen, est « un gros bourg, endormi autour de son église », qui semble toujours en guerre contre le hameau, Meznam, « un hameau de goémoniers », enfin du dernier des goémoniers, Franck Brendaouez. La guerre a pris la forme de l’insécurité maximale pour les embarcations qui se « détachent mystérieusement », qui se retrouvent coulées après « perçage réglementaire à la chignole »… Nombreux incidents, multiples victimes, un seul coupable désigné par la rumeur populaire, le renard, autrement dit Franck Brendaouez !
Mary Lester arrive ici comme un chien dans un jeu de quilles. La gendarmerie est grillée, contaminée par les a priori, incapable de mener une enquête avec objectivité. Elle doit tout reprendre depuis le départ. C’est un gros travail, d’autant plus qu’elle rencontre sur place un retraité de la marine qu’elle a déjà en sur son chemin lors d’une enquête précédente. Cet homme mal léché et violent lui avait fait sauter sa voiture, de quoi mettre Mary en mauvaise posture…
Cette enquête, basée sur des faits réels, va positionner notre inspecteur préféré en difficulté puisque c’est la première fois que Mary Lester n’arrive pas à boucler entièrement le dossier. Oui, le tout est très complexe, les coupables sont plus nombreux que prévu, et seul un gang de malfaiteurs sera mis hors d’état de nuire. Le Renard et ses adversaires resteront libres. Probablement, les actes sauvages diminueront quelque peu, mais on ne peut pas changer les mentalités quand elles sont encrées en profondeur dans le cœur des populations. Mary rentrera à Quimper un peu meurtrie par ce dossier délicat.
Quant à Jean Failler, il sera poursuivi en justice par une des protagonistes qui s’est reconnue dans le roman malgré les changements de noms, de lieux et de circonstances. Ce qui est étonnant, dans cette affaire, ce n’est pas que la justice ait ouvert une procédure, c’est qu’elle ait pu donner raison à un personnage qui dans le livre est présenté comme plutôt sympathique, plus que dans la réalité dit l’auteur mais je lui laisse la responsabilité de ses paroles ne connaissant pas la dame en question… C’est d’autant plus vrai, dans le roman, que mary Lester en fait une amie… Mais ça n’a pas suffit. L’éditeur dut rappeler tous les romans et faire modifier quelques phrases. Jean Failler mit en garde tous ses amis romanciers : attention si vous écrivez en vous inspirant, même de façon éloignée, d’un fait réel, la justice pourra vous condamner.
Et nous imaginons si la justice avait réagi ainsi du temps de Balzac, Zola, Flaubert, Proust… elle aurait dû en condamner des auteurs… et la littérature n’existerait pas ! Heureusement, elle existe bien et nous sommes là en présence d’un très bon roman… Alors, bonne lecture !