Photogénie de la série B
de Charles Tesson

critiqué par Malic, le 16 août 2006
( - 82 ans)


La note:  étoiles
B is Beautiful
Un livre indispensable sur un pan du cinéma américain qui de Chabrol à Tavernier, de Scorcèse à Tarantino et bien d’autres, n’a pas fini d’inspirer le cinéma contemporain.
Patrick Brion a donné de la série B une définition savoureuse mais purement négative en déclarant que « Autant en emporte le vent n’est pas un film de série B ». Dans le langage courant la série B est souvent synonyme de films de seconde zone, tournés en vitesse et à peu de frais par des tâcherons sans talent.

En réalité la série B est née lorsque les studios hollywoodiens confrontés à la baisse de fréquentation des salles due à la crise de 1929 ont décidé de proposer au spectateur, pour le prix de son billet, un « double programme »comportant un second film, généralement de court ou moyen métrage. A partir de là, un système fut mis en place pour tourner, à côté des films traditionnels de « série A », des films de « série B » à coût de production réduit : délais de tournages resserrés, décors économiques etc.

Loin de nuire à la qualité des films, ces contraintes se sont souvent révélées fécondes en stimulant la créativité des réalisateurs poussés à compenser le manque de moyens par des astuces et des trouvailles de mise en scène. Certaines sont devenus des « marques de fabrique » de la série B. Ainsi la fréquence du « hors-champ » ou des scènes nocturnes, deux procédés qui permettent de cacher la misère des décors ou des effets spéciaux et de privilégier l’art suggestion ( un des meilleurs exemple étant les films fantastiques de Jacques Tourneur).
L’abondance des scènes nocturnes a également largement contribué à cette tonalité « crépusculaire » qui confère aux films noirs une bonne partie de leur pouvoir de fascination. Quant au métrage réduit des films, il a entraîné le resserrement de la narration et son rythme nerveux, qualités indispensables pour raconter une histoire en 60 ou 80 minutes

La série B a permis a des artisans de donner le meilleurs d’eux mêmes ( Jules Dassin par exemple a réalisé d’excellentes séries B et pratiquement rien de valable en série A). Elle a également donné la possibilité à de véritables auteurs de s’exprimer de façon plus personnelle que dans la A. Ainsi, Samuel Fuller, Bud Boetticher ou Joseph H. Lewis ont déclaré qu’ils préféraient la série B parce qu’elle leur laissait davantage de liberté. A certains égards, la série B a été un véritable laboratoire de mise en scène dans lequel ont largement puisé la Nouvelle Vague française et nombre de réalisateurs américains ou autres.

La série B est le domaine privilégié du cinéma de genre (film noir, SF, fantastique, western, aventure) et aussi des séries.

L’ouvrage de Charles Tesson étudie la série B, américaine exclusivement, durant sa période la plus faste, 1940 à 1960. Il expose de façon à la fois claire et passionnée son histoire et ses divers aspects, sans tomber dans les excès de théorie que certains lecteurs pourraient redouter de la part d’un critique des « Cahiers du Cinéma ». Il fait la part belle à l’iconographie, organisée autour de quatre thèmes : les genres, les réalisateurs, les acteurs, les films culte. Les photos sont très nombreuses, judicieusement choisies et commentées et elles donnent vraiment envie de voir les films ( ce qui pour nombre d’entre eux est aujourd’hui possible grâce au DVD.)