Le jeune homme, la forteresse
de Mário de Carvalho

critiqué par Vda, le 14 août 2006
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Un conte cruel
Suite à une rixe ayant fait couler le sang dans les rues de Lisbonne, le jeune comte de Frois est envoyé au loin. Sa punition, prendre ses quartiers dans une petite forteresse frontalière, Sao Gens.
Le jeune homme, piqué, joue avec sérieux son rôle de gouverneur de la forteresse aux murs ébréchés. Il fait venir un architecte de Lisbonne et dépense sans compter ses deniers personnels pour remettre en état sa place forte.
Dans ses bagages, se trouvait un prêtre, la chapelain de la famille, dépêché par le vieux comte pour conseiller le jeune homme. Mais ce dernier lui bat froid dès leur voyage vers Sao Gens, et l’homme, plus habitué aux manières des familles nobles, se sent bien isolé dans cette campagne reculée.
Puis la guerre de Sept Ans se manifeste entre l’Espagne et le Portugal. Viennent les Espagnols et le siège de la forteresse de Sao Gens. Le gouverneur refuse de remettre la forteresse aux mains des envoyés du roi espagnol. Et c’est avec le plus grand sérieux qu’il entreprend de défendre la place.

Un livre où la linéarité du récit est bouleversée par une narration alternant les points de vue d’un lieu à un autre, d’un personnage à l’autre, avec un avantage marqué pour l’examen du comportement du chapelain dans les rues et les maisons de la petite ville.
Des personnages esquissés, représentant des archétypes. Un narrateur volage dont le regard, pudique, jamais appuyé, décrit les actes sans jamais les juger.
Une écriture savoureuse jouant sur les différentes cadences. Un texte plein d’humour, patelin et mordant.

Extrait :
" Ce jeune comte de Froïs était amateur de filles, de chevaux et de taureaux. Il attachait plus de prix aux frasques, à la bamboche, au dévergondage qu’aux devoirs du régiment où il avait été affecté, qu’il laissait avec insouciance au soin de gros sergents plébéiens, ivrognes et paillards. Le comte imitait en cela les autres officiers, ce qui n’avait d’importance pour personne : l’escadron n’avait pas d’effectifs, les chevaux n’avaient pas de harnais, les soldats n’avaient pas d’armes, les armes pas de munitions, les munitions pas de calibre, les officiers ni prestance ni créance ni prudence. Le régiment allait son train à Abrantès, à la grâce de Dieu, le comte menait le sien à Lisbonne - toujours belle dans ses ruines -, à la grâce de son père. Et son père vivait, lui, au bon cœur du roi, épargnant ainsi les revenus qu’il tirait de ses lointaines possessions. "