Même les cow-girls ont du vague à l'âme de Tom Robbins

Même les cow-girls ont du vague à l'âme de Tom Robbins
(Even Cowgirls Get the Blues)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par B1p, le 10 août 2006 (Inscrit le 4 janvier 2004, 50 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 052ème position).
Visites : 5 173  (depuis Novembre 2007)

de l'influence du pouce sur les cons

Puis-je vraiment critiquer un roman qui m'informe de ceci ?

"Il existe un animal du nom de mangouste d'eau. Il habite dans les marais d'Asie. La mangouste d'eau possède un fameux tour dans sa manche (bien que son tour ne soit pas exactement là). Il est capable de détendre son orifice anal jusqu'à ce que ce dernier ressemble à un fruit rouge bien mûr. Puis la mangouste se tient parfaitement immobile. Tôt ou tard, un oiseau arrive et se met à picorer le "fruit". Sur quoi la mangouste se tourne à toute vitesse sur elle-même et dévore l'oiseau. "Même les Cow-Girls ont du Vague à l'Ame" pourrait trouver une parabole dans cette anecdote, s'il le voulait - mais cela serait vraiment chercher trop loin".

Ou qui est expert en numérologie ?

"Ce roman possède maintenant autant de chapitres qu'un piano a de touches (désolez-vous compositeurs pour l'ukulele et pour le picolo !) et à vrai dire, il ne serait que modérément banal de l'étiqueter : "chapitre du piano" car en même temps que lève la tête ce chapitre 88 hâtivement rédigé, Julian Gitche éponge le sang séché de la Comtesse sur le clavier du piano à queue blanche miniature tout en s'imbibant à grandes gorgées de scotch et en devenant légèrement maboul à force de se demander se qui est arrivé à sa femme"

Ou qui conte l'histoire du chirurgien artiste suivant ?

"Succombant, dans un accès de folie, à ses pulsions artistiques réprimées, le docteur Félix Dreyfus, dédaignant le marbre, l'argile et le plâtre pour travailler la chair vivante, avait sculpté sur le visage du petit Bernard Schwartz le premier nez cubiste du monde ! Le nouveau nez de l'enfant possédait six narines, deux devant, deux de chaque côté, et trois arêtes, si bien qu'on avait l'impression de le voir de front quel que soit le profil sous lequel on regardait. Selon l'exubérant docteur Dreyfus, le nez du petit Bernard est "vu simultanément sous différents angles qui se chevauchent les uns les autres, si bien que nous avons en fait un nez total, totalité qui parvient à suggérer le mouvement, même au repos; un nez qui démonte la conception classique du visage dans lequel le nez est fixe et permanent; un nez en perpétuel état d'ultime "nasité" tout en étant à la limite même de l'abstrait.""

Je le peux difficilement parce que le roman m'est d'emblée sympathique. Et même s'il y a des longueurs, des passages vachement chiants, une histoire qui ne tient pas debout et des théories pompeuses qui me donnent envie de dormir, la sympathie pour le roman l'emporte et me pousse à y regarder plus loin.

Il faut dire que Tom Robbins me caresse dans le sens du poil. Comme on l'explique sur Fluctuat.net, T.R. "se distingue par son amour pour les phrases tarabiscotées et les concepts plus ou moins abscons, exprimés de manière toujours enthousiaste et hilarante. Surnommé par ses pairs, le "Houdini de la métaphore", les idées qui animent ses fictions sont marquées par les grandes utopies de sa génération, celle des 60's : Zen, féminisme, antimilitarisme, drogue, sexe et rock'n'roll, mais on peut aussi ajouter science, philosophie et informatique, font partie de son panthéon personnel."

Pas mieux pour la description.

Et c'est somme toute ce qui m'intéresse dans l'Amérique : la contre-culture issue du mouvement beat mais en phase d'extinction depuis le début des années 80.

Et de mouvement beat, il en est vaguement question puisque Jack Kerouac lui-même se serait tapé l'héroïne Sissy Hankshaw (si l'on en croit "Même les Cow-Girls ont du Vague à l'Ame"), mythe vivant de l'autostop. Il faut dire que Sissy dispose d'atouts de taille : des pouces surdimensionnés. Ca aurait pu lui valoir d'être exhibée comme phénomène de foire, mais elle transcende son handicap en devenant reine incontestée de l'autostop. Mais ce serait bien sûr trop court pour faire un roman. Alors Sissy croise la Comtesse, magnat de la cosmétique qui en fait son égérie aux mains coupées, croise Julian Gitche, indien aquarelliste souffrant d'asthme, ou encore une troupe de cow-girls qui veulent révolutionner un monde mené à se perte pour le machisme (qui veut couvrir l'odeur corporelle du sexe féminin avec d'horribles effluves fleuries). Sans compter une secte d'Indiens adeptes de l'Horloge ou un Chinetoque philosophe qui aime exhiber son zob au nez de toutes les femelles qui passent. Et puis un groupe d'une cinquantaine de grues rescapées de la folie des hommes qui sont suivies à la trace par les naturalistes, le FBI et des hordes de militaires agités de la gâchette. Sans parler d'un psy, du nom de Robbins, intéressé par les théories alternatives de l'évolution.

Ca fait beaucoup pour un roman, d'autant plus que Tom Robbins assaisonne l'histoire de considérations philosophico-anatomiques sur les mérites comparés du cerveau et du pouce, de réflexions sur l'équilibre cosmique et le sens de la vie, de styles de narration qui s'entrechoquent entre interpellations directes au lecteur, récit à la 3e ou à la 2e personne. Le tout démarrant sur une introduction souhaitant bon anniversaire à la première amibe de tous les temps.

Oui, ça fait beaucoup, au point qu'on finit par sauter des pages entières. Mais cela reste incomparablement sympathique.

Si l'auteur a écrit ça sous l'influence de LSD ou de peyotl (plante hallucinogène), cela expliquerait déjà beaucoup de choses...

(ndr : ce roman a été adapté pour l'écran dans les années 90 avec Gus Van Sant derrière la caméra et Uma Thurman dans le rôle principal)

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Les éditions

  • Même les cow-girls ont du vague à l'âme de Tom Robbins
    de Robbins, Tom
    10-18 / Domaine étranger
    ISBN : 9782264039316 ; 10,20 € ; 01/04/2004 ; 575 p. ; Poche
  • Même les cow-girls ont du vague à l'âme [Texte imprimé] Tom Robbins traduit de l'anglais (États-Unis) par Philippe Mikriammos
    de Robbins, Tom Mikriammos, Philippe (Traducteur)
    Gallmeister / Totem (Paris. 2010)
    ISBN : 9782351785041 ; 11,50 € ; 30/04/2010 ; 453 p. ; Poche
  • Même les cow-girls ont du vague à l’âme
    de Robbins, Tom Mikriammos, Philippe (Traducteur)
    Gallmeister / Totem
    ISBN : 9782404002491 ; EUR 9,99 ; 02/06/2016 ; 448 p. ; Format Kindle
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Les livres liés

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Délire intelligent

7 étoiles

Critique de Kabuto (Craponne, Inscrit le 10 août 2010, 63 ans) - 2 décembre 2023

Assez dérouté par ma lecture au début de ce roman, j’ai fini par être conquis par cette histoire foutraque et par le style très inventif de l’auteur. Sissy et ses pouces hors-norme vivront des aventures délirantes et parfois drôles mais pas dénuées de profondeur pour autant. Belle rencontre avec Tom Robbins dont j’ai apprécié le délire et l’imagination.

Bon anniversaire à l'amibe !

10 étoiles

Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 58 ans) - 29 mai 2012

Que penser d'un roman qui s'ouvre sur un hommage à l'amibe (être vivant unicellulaire) ?
Que penser d'un auteur qui interpelle le lecteur régulièrement en insérant des interludes et en proposant le champagne à celui qui atteint le chapitre 100 ?
Que penser d'un roman où le personnage principal est doté de pouces anormalement développés et devient une légende de l'auto-stop ?
Comment doit-on réagir face à la multiplication des personnages insolites, habitant des lieux improbables ?
Un Ranch isolé de tout, construit sur la réserve indienne Siwash comme un navire qui bat le pavillon des exclus et accueille une tribu de jeunes femmes... des Cow-Girls.
Le Chinetoque; un vieux fou qui vit dans les collines de l'Ouest, dans une grotte de Siwash Ridge, avec vue plongeante sur le Ranch.

Ma réponse ne souffre aucune hésitation.. le plus grand bien !
Ce livre est une pure merveille d'humour, d'intelligence.
L'auteur applique à son ouvrage les conseils " philosophiques " prodigués par ses personnages.
A savoir... Magie et Poésie .
SAVOIR SORTIR DU CADRE , NE PAS SUIVRE LA LIGNE BLANCHE DE LA VIE !

Ce roman est un chef-d'oeuvre car il ne respecte pas les codes et aborde (de façon très réfléchie) les grands thèmes de la philosophie.
La Différence : "C'est pour les gens que la société déforme que j'ai de la peine".
"La normalité est la Grande Névrose de la civilisation".
Le Temps : "Le temps comme une boîte vide à remplir de notre génie".
Le Bonheur: "Le paradis, c'est de vivre dans ses espoirs et l'enfer de vivre dans ses peurs".
"Il n'y a qu'une seule chose qui vaille mieux que le Bonheur dans cette vie et c'est la Liberté".
La Religion: "Des concepts magnifiques sans rien de concret à la base".
"Contrôler les masses par la peur d'une force toute-puissante".

Quelques pistes sont données par Sissy Hankshaw - le personnage principal - pour sortir du carcan :
-> la solution est individuelle et appartient à chacun.
-> rompre l'enchaînement de la consommation.

Vous l'avez compris, la lecture de cette oeuvre est UNIQUE.
A ma connaissance, il n'existe pas (sur le fond et la forme) de roman équivalent.
Tom Robbins serait le fruit des amours incestueuses de Michel Audiard, Richard Brautigan et Platon .

Précipitez-vous sur 450 pages de nitroglycérine !

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