La cousine Bette
de Honoré de Balzac

critiqué par Pétoman, le 17 juillet 2001
(Tournai - 48 ans)


La note:  étoiles
La lutte du vice et de la vertu
C'est le dernier bouquin de Balzac publié de son vivant. En résumé, Lisbeth surnommée la cousine Bette, ouvrière de son état, tombe amoureuse d'un jeune sculpteur polonais Wencelas Steinbock, mais malheureusement celui-ci préfère épouser une fille Hulot.
Le père Hulot est un noceur de première qui n'hésite pas à tromper sa femme (c'est un clin d'oeil de Balzac au grand Victor qui aimait cocufier sa femme...).
Sa femme quant à elle est l'incarnation de la vertu. Petit à petit, Bette se venge avec une courtisane du nom de Valérie de la famille Hulot...
Voilà un résumé succinct de l'histoire. En fait, ce livre se veut être une démonstration du vice contre la vertu et inversement, ce qui, à mon avis n'est que partiellement réalisé. J'adore Balzac et ce livre est certainement une grande oeuvre mais elle pêche un peu, à mon avis, par de nombreuses lourdeurs et se voulant une toile de la société, on a parfois tendance à s'emmêler les pinceaux ( c'est le cas de le dire), bref un bon Balzac mais pas le meilleur.
Même le bien se fait mal ! 8 étoiles

"La Cousine Bette" est une saga familiale à la sauce Balzac. Un long roman où cette cousine aigrie va tout faire pour assouvir sa hargne et sa jalousie avec une fausseté implacable.

Le Baron Hector HULOT D'EVRY est un coureur de jupons invétéré. Ayant dilapidé sa fortune, sa fille en âge de se marier ne peut donc être dotée. La cousine Bette hébergeait un sculpteur des pays de l'est, désargenté mais prometteur et c'est ce jeune homme qui fut choisi comme mari. La position du Baron lui permettrait des commandes de l'état qui remplaceraient la dot absente. Les deux tourtereaux se plaisent et ils se marièrent. Cela pourrait être la fin de l'histoire.
Mais la cousine Bette avait des vues secrètes sur ce Wenceslas STEINBOCK, artiste polonais qu'elle dorlotait comme une mère. Vieille fille elle caressait même d'autres espoirs enfouis. Aussi son mariage avec sa nièce va déclencher une croisade d'une perfidie insoupçonnable.

Un très long texte, parfois touffu où tout s'entrecroise : la passion, le désir, la jalousie, la religion et surtout l'argent décliné à toutes les sauces. Ici le bien se fait mal et le mal se fait bien !

Impressionnant !


PERSONNAGES

– CREVEL : personnage entièrement nouveau dans La Comédie humaine, il s'inscrit dans la lignée des bourgeois libertins, tels Carnot, Camusot et Matifat. Il est l'ancien commis (Célestin) de César Birotteau, mais si ce dernier incarnait le type malheureux du commerçant naïf égaré dans le monde de la finance, Crevel, qui n'a que sept ans de moins que son ancien patron, appartient à une nouvelle génération de bourgeois. Maîtrisant parfaitement la circulation de l'argent, il incarne le type du bourgeois parvenu des années 1840. Non content de jouir de son pouvoir économique il brigue également le pouvoir politique.

– Lisbeth FISCHER (dite BETTE) : c'est la fille de Pierre Fischer et la cousine d'Adeline Hulot, son aînée de cinq ans, elle-même fille d'André Fischer, tous deux d'une famille de paysans lorrains, passent dans l'armée en 1799. André sera tué pendant les Cent-Jours, et c'est Pierre qui se charge d'élever ensemble Adeline et Lisbeth. C'est un personnage nouveau dans La Comédie humaine, mais Balzac a déjà cependant dessiné de nombreux avatars de vieilles filles aigries (mais non sans concupiscence) dont elle incarne le type achevé.

– Adeline HULOT : femme du baron Hulot d'Evry, elle était née Adeline Fischer en Alsace. Epouse religieusement soumise à son époux, elle est l'incarnation parfaite de la vertu conjugale. Mais en raison même de son angélique pureté, qui contraste avec la perversité des autres personnages féminins, Adeline n'est pas capable d'être à la fois la femme et la maîtresse du baron Hulot. Cette abnégation conjugale sans bornes la rapproche du personnage de Joséphine Claës, qui est, elle aussi, l'épouse d'un monomane d'une autre sorte (La Recherche de l'Absolu).

– Baron Hector HULOT D'EVRY : Hector Hulot est un personnage nouveau dans l'univers balzacien, mais il appartient à la grande famille des monomanes, dont Balzac a déjà représenté différents avatars. Né en 1771, il a cinq ans de moins que son frère et vingt ans de plus que sa femme Adeline, les deux êtres avec lesquels il fait contraste.

– Maréchal HULOT (Comte de Forzheim) : c'est le frère aîné d'Hector Hulot. Déjà présent dans Les Chouans. C'est le type du vieux républicain, soldat glorieux prêt à tous les sacrifices pour servir la patrie. Représentant d'un monde en train de disparaître, il ne survit pas aux diverses trahisons et prévarications commises par son frère.

– Victorin HULOT : fils du baron et de la baronne Hulot. Jeune homme un peu falot qui contraste tristement avec les excès de son père. C'est la figure froide et plate du bourgeois sans passion, soucieux de rester dans les normes et de préserver sa position sociale.

– Jean-Paul Stanislas MARNEFFE : c'est la version masculine et sordide de Valérie. Sans les fastes de la séduction de son épouse, Marneffe offre le tableau abject et répugnant du vice à l'état pur.

– Valérie MARNEFFE : cette « Laïs de Paris » incarne le type de la « courtisane mariée ». Alliage oxymorique de grâce et de corruption, d'esprit et de dépravation féminine, elle est une fleur du mal dans le terreau parisien. Sa séduction puissante et perverse accélère la dégénérescence de l'équilibre familial et social.

– Josépha MIRAH : cantatrice, fille naturelle d'un banquier juif. Initialement entretenue par Crevel, elle devient la maîtresse de Hulot qu'elle abandonne pour le duc d'Hérouville. Moins corrompue que Valérie et avec la générosité d'une véritable artiste elle vient finalement au secours d'Adeline Hulot dont elle a contribué cependant à causer la ruine.

– Baron Henri MONTES DE MONTEJANOS : ce Brésilien fougueux et dangereux, à l'image de la jungle dont il est issu, appartient plutôt au personnel du roman populaire qu'à l'univers de Balzac. Son exotisme flamboyant et sa virilité hyperbolique font un contraste savoureux avec la troupe exsangue des vieillards déliquescents, ses rivaux auprès de Valérie.

– Agathe PIQUETARD : épaisse normande qui entre au service de Mme Victorin Hulot. Hulot succombe à son charme rustique et l'épouse après la mort de sa première femme, Adeline. Afin d'illustrer l'ampleur de la déchéance d'Hulot, Balzac a doté ce personnage de fille de cuisine d'une vulgarité physique et morale extrême.

– Wenceslas STEINBOCK : artiste polonais. Il arrive en France en 1833 à la suite de la révolution qui agite la Pologne. Réfugié dans une mansarde sinistre, il tente de se suicider mais il est sauvé par l'intervention de sa voisine, Lisbeth Fischer. La vieille fille se prend d'amour pour lui et décide de le mettre sérieusement au travail. En épousant la belle Hortense, puis en devenant l'amant comblé de Valérie, Wenceslas échappe à l'impérieuse Lisbeth, mais ce faisant, il perd aussi la mère sévère et exigeante qu'elle était pour lui : sa puissance créatrice se délite, il finit artiste in partibus.

Monocle - tournai - 64 ans - 27 février 2021


Du complot dans les sentiments amoureux 9 étoiles

Un vieille fille aigrie issue de l'aristocratie, Lisbeth Fischer, dénommée la cousine Beth, utilise sa mauvaise bille pour détruire les couples, via une sorte de commerce de maîtresses et de menaces à la réputation des gens du haut monde. Dans ses affaires, elle est secondée par Valérie Marneffe. Elle fait ainsi flancher son cousin Hector Hulot, mis en concurrence avec le commerçant Célestin Crevel, alors que Adèle Hulot, épouse d'Hector, incarne la vertu miséricordieuse. Les deux dames agitées par le vice font également chanter un exilé polonais, artiste réputé, Wenceslas Steinbock, souffrant d'indécision et de manque de volonté.

Une nouvelle fois dans ce roman, Honoré de Balzac décrit et analyse au scalpel les mauvais instincts et la fragilité des positions sociales de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie. Luxure, moralité et repentir alternent dans ce jeu de dupes, où maints personnages guerroient pour sauvegarder les apparences. Outre la difficulté de suivre face à leur multitude, ce livre reste jouissif, par ce jeu à intrigues croisées.

Veneziano - Paris - 46 ans - 25 avril 2020


Luxe, Luxure et Luxuriance. 8 étoiles

Il y a beaucoup plus de génie dans La Cousine Bette qu'il n'y paraît au premier abord. C'est l'un des premiers Balzac que j'ai lu - par opposition au Cousin Pons qui est l'un des derniers - et j'en garde un impérissable souvenir.
La Cousine Bette - comme l'indique son titre - c'est d'abord un roman de personnages. Et ils sont réussis dans les moindres détails : Balzac parvient, une fois encore, à croquer d'irrésistibles caractères, que ce soit dans le jeune sculpteur ingénu, la femme éplorée et soumise, le mari luxueux et débonnaire, l'arriviste aux dents de scie, et surtout - dans un des plus vertigineux portraits de notre littérature - la grande Bourgeoise au sourire sanglant qui dévore petit à petit tout ce monde. Et derrière tout cela, se dissimulant sous un masque hypocrite qui ne s'effritera jamais, se tient la plus bouleversante des anti-héroïnes de la Comédie Humaine.
Jugez si avec de tels ingrédients on ne peut pas tirer une oeuvre !
La pluralité des thèmes de la critique est aussi intéressante. On retrouve avec plaisir le critique d'art du Chef-d'oeuvre inconnu, qui cette fois-ci explore le monde très peu étudié de la sculpture, tandis que le terrible usurier de La Maison Nucingen dissèque une nouvelle fois les rouages de la finance française au XIXème siècle. La Beauté, au centre de ce Paris très bipolaire, oscillant entre les bas-quartiers où réside Marneffe et l'apanage de luxe dans lequel se roule allègrement Hulot, et, en contre-pied, la vieillesse et l'impuissance de ses personnages qui peinent à se faire vraiment aimer. Il y a du bon dans ces victimes qui triomphent sans même le savoir sur leurs ennemis, mais ils sont encore plus méprisables, et je regrette presque la déconfiture finale - le mécanisme impitoyable de la Cousine Bette aurait pu ne pas s'effondrer.
Une autre chose que je m'étonne que l'on ait pas soulignée, c'est la lenteur avec laquelle le ménage Hulot s'effondre, je veux dire par là, la lenteur avec laquelle Bette parvient à satisfaire sa vengeance. C'est là que le roman est vraiment jubilatoire, à mon sens : cette délicatesse et cette douceur dans l'anéantissement ont tout des éloges donjuanesques.
Le seul regret que j'éprouve, c'est de voir à quel point cette oeuvre est excentrée des autres. Il n'y a pas beaucoup de personnages reparaissant, et des thèmes de la Comédie, comme l'animalisme ou l'Etude de Paris au regard de la province, sont vraiment non-traités. Pour le dernier roman de Balzac, c'est sûr que j'aurais préféré un grand tableau qui mettrait en scène tous ses personnages importants - comme on vient saluer après un spectacle. Ne serait-ce pas là le meilleur moyen de clôturer la COMEDIE humaine ?

Lisancius - Poissy - - ans - 24 juillet 2010


le meilleur Balzac 10 étoiles

Si je ne suis pas fan de Balzac - le Lys dans la vallée, par exemple, est pour moi un supplice de lecture ! " je considère la Cousine Bette comme son oeuvre la plus enlevée, la moins pesante, celle où il semble laisser libre cours à son goût pour la satire sociale. Les clins d'oeil abondent dans cette intrigue menée tambour battant, Stanislas condamné à créer dans un galetas, Hulot qui passe sa vie à courir les jupons ou Bette, vieille fille intelligente qui finit par se dénicher un mari présentable. Tout bonnement génial !

Poil2plume - Strasbourg - 61 ans - 9 mai 2010


L'école du vice 9 étoiles

Un des Balzac que je préfère. De ce point de vue, je ne suis pas d'accord avec Petoman. Je ne pense pas qu'il s'agisse de la lutte du vice contre la vertu ou vice versa mais plutôt du vice contre le vice. Deux personnages incarnent ce combat: Hulot, le serviteur de l'Etat dévoyé, esclave de la luxure, et Valérie Marneffe, putain ambitieuse qui a fait de son cul, manifestement ravissant, une rente de situation. J'ai éprouvé à l'instar de quelques autres romans de Balzac, cette fascination pour la décrépitude annoncée, la déchéance sans fin de certains des personnages. On sait que rien n'arrêtera leur chute mais on éprouve des sensations toujours aussi fortes à la lecture de leurs turpitudes répétées, inextinguibles faiblesses qui les précipitent vers le fond de l'abîme. L'une des dernières scènes où Hulot, vieillard concupiscent et ruiné, promet le mariage à la petite bonne normande qui vient de rejoindre sa maison, est de ce point de vue époustouflante.

Ferragus - Strasbourg - 61 ans - 14 octobre 2001