Aux Etats-Unis d'Afrique
de Abdourahman A. Waberi

critiqué par StellaMaris, le 31 juillet 2006
( - 62 ans)


La note:  étoiles
Et si l'on changeait tout ?
C’est à une volte-face intellectuelle que nous invite le dernier roman d’Abdourahman Waberi, Aux Etats-Unis d’Afrique. Dans ce livre, le continent africain est décrit comme une prospère fédération, riche d’autant de mégalopoles qu’elle compte d’Etats, dotée de savants mondialement reconnus, d’artistes célèbres dont les œuvres s’arrachent à prix d’or etc. Sa capitale est Asmara, située comme on le sait en Erythrée c’est-à-dire non loin de la patrie – Djibouti – de l’auteur. Ce pays de Cocagne fait rêver tous les démunis de la planète, les malheureux ressortissants d’Euramérique. Sans-travails, sans-terres, sans-pain, sans-domicile-fixe, les Euraméricains fuient comme ils peuvent leur misérable condition, boat-people affamés qui viennent s’échouer à moitié morts sur les belles plages de sable blanc, de l’autre côté de la Méditerranée.
L’exercice n’était pas facile. Comment, en effet, ne pas tomber dans le lieu commun de la fête des fous, quand le roi devient esclave et que le domestique s’attable à la place du maître de maison ? Une Afrique riche et moderne, un Occident pauvre et sous-développé, n’est-ce pas là l’expression d’une revanche vaine, d’une vengeance virtuelle ? Waberi n’est pas du tout dans cet état d’esprit. Il nous force simplement à considérer le renversement de valeurs auxquelles nous sommes depuis si longtemps habitués qu’elles ne nous semblent plus du tout scandaleuses. Alors qu’elle le sont bel et bien. Nous nous attachons aux pas de Maya, la jeune fille sauvée de la misère par le providentiel Dr Papa mais qui s’aperçoit bientôt que la mort et le malheur peuvent aussi frapper les nantis.
On sort de ce livre un peu étourdis, étonnés et bouleversés. Nos lecteurs occidentaux auront peut-être l’impression d’émerger d’un cauchemar et les Africains d’avoir vécu un merveilleux rêve. Quoi qu’il en soit, il y a pour tous un avant et un après Aux Etats-Unis d’Afrique, roman courageux, iconoclaste et, in fine, politique.