Le paradis des chiots
de Sami Tchak

critiqué par StellaMaris, le 28 juillet 2006
( - 62 ans)


La note:  étoiles
Enfants des rues et du malheur
Sami Tchak aime bousculer les mots, les catapulter ensemble et en faire des feux d’artifices. Il aime aussi les destins misérables qu’il peint comme des épopées grandioses. Dans son dernier livre, Le paradis des chiots, sa frénésie verbale nous tisse la triste histoire d’Ernesto, enfant d’une favela indéterminée d’Amérique du Sud nommée El Paraíso, le Paradis. Son père ? Connaît pas. Enfin… pas tout de suite. Sa mère ? Linda, une paumée, une pauvre fille aussi odieuse que pathétique, dévoyée par la pauvreté et le malheur. Mais chaque paradis a un Dieu et il y en a un à la mesure d’Ernesto incarné dans l’énigmatique El Che, un fantôme d’homme et paradoxalement une présence forte, invisible lien entre les protagonistes. La construction du roman, qui donne la parole tour à tour à ces trois personnages, nous fait pénétrer dans leur intimité. Mieux : nous endossons leur souffrance, leurs émotions, leur déchéance. Ainsi marchons-nous pieds nus dans la poussière, avec un pantalon rapiécé qui ne tient que par la grâce d’un bout de ficelle. Nous sommes amoureux de Laura, la gamine maigrichonne douce et cruelle. Nous craignons le terrible Riki, un gosse hyper-violent haut comme trois pommes, ennemi juré d’Ernesto et nos cœurs battent au rythme de la violence des rues, de l’errance des cœurs, de la désolation et du malheur qui s’abattent sur ces êtres sans destin.
Des rapports de domination et d’humiliation, une sexualité débridée, nue, crue, étalée en toute impudeur, une extrême tension issue de la violence psychologique et physique qui s’exerce au quotidien, c’est une vision cruelle du monde des bidonville que l’auteur nous offre dans ce livre étonnant et détonnant.
Sami Tchak, écrivain togolais, docteur en sociologie, vit en exil à Paris. Il s’est fait connaître du grand public en 2001 en publiant Place des fêtes (collection Continent noir, éditions Gallimard), où il dépeint les conditions de vie d’un immigré africain avec une insolente dérision.
Les bas-fonds 4 étoiles

Dans ce roman cruel et infiniment sombre, Ernesto, un pauvre mioche, nous raconte sa vie dans une favela. Il y’a sa mère qui a commencé à se prostituer à 14 ans, son pire ennemi Rikki, Juanito le chef de la bande et Laura la maigrichonne soumise aux bas instincts des gosses. A travers les yeux d’enfants d’Ernesto, c’est la misère humaine que l’on nous envoie en plein visage.

Puisque la plupart du temps le narrateur est un gosse, le texte souffre évidemment en qualité. C’est répétitif, saccadé et bourré d’observations inutiles. Le ton est cru sans nécessairement être explicite. Si l’imagerie horrible rend justice au décor d’une favela, à la longue, le déversement de sang, de vomissures et d’odeurs nauséabondes perd de son efficacité.

Le plus dérangeant est cette façon candide de nous décrire les pires horreurs. Comme si les personnages n’étaient pas affectés par leurs malheurs. L’art romanesque se doit d’aller plus loin dans l’intériorité des personnages, ici on reste plutôt dans le reportage.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 54 ans - 1 décembre 2006