La farine
de Benoît Damon

critiqué par Sahkti, le 20 juillet 2006
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Mortelle nourriture
Benoît Damon est le pseudonyme de Serge Laplace, un jeune auteur genevois, qui a également publié "Un air de pipeau" et "Le cœur pincé".
Initialement paru chez Seuil, ce récit a été réédité par Zoé dans sa collection poche en 2001.
C’est un récit dense et dur. La farine, c’est d’abord cette noble matière qui accompagne le boulanger mais c’est également la poudre blanche, la drogue destructrice qui ne lâche pas le narrateur.
Les premières lignes témoignent rapidement de la violence du propos. Une mère refuse en le froissant un bouquet de fleurs offert par son enfant. Un enfant meurtri qui, devenu adolescent, découvrira à l’école les paradis artificiels et ne pourra plus s’en détacher. Parcours chaotique, celui d’un désespoir sans fin, celui d’un jeune homme qui trouve dans la drogue une fausse issue à sa détresse mais aussi, peut-être, le moyen d’attirer sur lui cette attention si longtemps refusée. Leurre malhabile qui le conduira à la déchéance dans une longue dérive. Le narrateur éprouve un terrible mal de vivre qu’il nous raconte, il parle des méfaits de cette farine blanche qu’il s’injecte, des traces qu’elle laisse à l’âme et au corps, des conséquences familiales et sociales, des amis adeptes de la pratique qui meurent les uns après les autres. Ce récit pue la mort et le désespoir, l’écriture de Benoît Damon est d’une telle force. Il y a bien des sursauts dans la vie du héros, en grande partie grâce aux livres et à une lecture bouleversante de "Au-dessous du volcan" mais cela ne suffit pas, l’engrenage infernal ne semble pas décidé à prendre fin. On ne peut qu’être ému devant toute cette tendresse refoulée, devant les ravages provoqués par un non-amour, devant la déchéance inéluctable d’un homme conscient de sa destruction progressive et y assistant sans trouver les moyens de s’en sortir. Il y aura cependant un peu d’espoir, une belle lumière, une porte de sortie…