Les enchanteurs
de Romain Gary

critiqué par Guigomas, le 19 juillet 2006
(Valenciennes - 54 ans)


La note:  étoiles
L'imaginaire plus fort que la mort
Fosco Zaga, le narrateur, est un très vieil homme qui ne peut pas mourir tant il aime. " Si j'ai vécu si longtemps, c'est que j'ai charge d'amour." écrit-il. Il habite Paris, rue du Bac (comme l’auteur du livre) et raconte son enfance russe, deux siècles plus tôt. Dans les années 1760 à Saint Petersbourg, Giuseppe Zaga, père de Fosco, est le descendant d’un illustre famille de saltimbanques, illusionnistes, acteurs… D’une famille d’Italiens émigrés en Russie, Giuseppe est un maître dans l’art de l’illusion sous toutes ses formes, il est même guérisseur, prédit l’avenir et est très bien en cour auprès de Catherine de Russie dont il soigne les constipations chroniques… Il revient un jour d’un voyage en Italie avec une épouse bien trop jeune et jolie, Térésina, dont Fosco va tomber éperdument amoureux. Les années qui vont suivre vont voir se mêler l’amour de Fosco et Térésina, les moments de gloire et déboires de Giuseppe sur fond de philosophie des Lumières et de crépuscule des pouvoirs absolus autour desquels gravitaient Giuseppe et ses parents avant lui, la Russie et Venise, la Commedia del Arte, l’illusion qui aide à vivre et l’atroce réalité.
Ce livre est une ode à l’imaginaire, à la truquerie qui se distingue du mensonge par le fait qu’elle crée la vérité alors que le mensonge la détruit, un hommage à tous ceux qui ont œuvré et oeuvrent à enchanter, et une superbe histoire d’amour. Le vieux Fosco Zaga a un regard à la fois tendre, ironique et désabusé sur les hommes qui ne font qu’inventer sans cesse de nouveaux enchantements (et pour lui tout n’est qu’illusion, destinée à amuser d’abord les puissants, ensuite le peuple) mais qui, lorsqu’ils gardent en eux cette part d’enfance, sont capables d’un amour plus fort que la mort.
« Mon enfance n'allait jamais me quitter. Simplement, elle s'était cachée pour m'aider à mieux faire semblant d'être un adulte. Maternelle, elle voulait ainsi me permettre de me durcir, car il ne fait pas bon aller parmi les hommes lorsqu'on n'a pas appris à protéger d'une carapace solide ce roseau vulnérable et rêveur que l'on porte en soi. Ce n'est pas que les hommes soient délibérément méchants, cruels et acharnés à meurtrir, c'est seulement qu'ils ne savent pas tellement où ils mettent les pieds. »
Anecdotique, peut-être, ce livre a été écrit juste avant qu’Emile Ajar n’entre en scène…
Le conte du Juif errant revisité 9 étoiles

Fosco Larga, bicentenaire, narre son histoire surréaliste : il ne peut pas mourir tant qu'il continue à aimer, ce qui représente une belle hypothèse de départ, romantique à souhait, qui revisite un tantinet le mythe du Juif errant, ce qui est avoué à demi-mot et ce qui est confirmé par les thèmes récurrents de l'auteur. Son père, Giuseppe, artiste et artisan, concevait des inventions féériques pour les grands de ce monde, ce qui les a mené à la cour de Catherine II qui a apprécié leur compagnie, et à Venise où ils se sont installés, comme à Prague, soit toujours dans de fort beaux lieux, lourdement chargés d'histoire. Aussi, Fosco - qui signifie "sombre" en italien, tombe-t-il amoureux de la compagne de son père, Teresina, son aînée de seulement deux ans.

Par ce conte, l'auteur se laisse voguer à son imagination, fort riche, et dont l'univers de représentation est richement marquée par la beauté du monde et de son histoire. La narration est enjouée et ne manque pas de rebondissements divers, ce qui rend le récit d'autant plus fantastique et enjoué. Il (me) paraît ainsi très agréable, surtout en cette période de fêtes de fin d'année.

Veneziano - Paris - 46 ans - 31 décembre 2019


L'amour est plus fort que la mort 7 étoiles

Romain Gary livre un conte pour adulte, ou plutôt pour l'enfant qui est caché derrière chaque adulte. Le narrateur, Fosco Zaga, est un vieillard sans âge, il prétend qu'il vit depuis plus de 200 ans et que sa longévité vient du fait qu'il est chargé d'amour pour Teresina, la jeune et jolie épouse de son père, et tant que son amour lui permettra de maintenir en vie Terisina celle-ci ne mourra pas réellement.

On est dans le monde des saltimbanques, Giuseppe Zaga est issu d'une famille d'enchanteurs, tout à la fois comédien, illusionniste, médecin et voyant. Ce roman, ou plutôt conte, annonce le déclin de l'aristocratie et la bataille de ces enchanteurs contre la Réalité.

Comme il est écrit dans les critiques précédentes, Romain Gary, l'année suivante, créera le personnage d'Émile Ajar, sous ce pseudonyme, il écrira quatre romans, une des raisons invoquée c'est que ses romans publiés sous le nom de Gary, quelle que soit leur qualité, sortaient dans une certaine indifférence de la part des critiques à tel point que quand il remaniait un de ses romans et le republiait à nouveau, la critique pensait que c'était un nouveau roman, cette même critique qui encensera l'œuvre d'Ajar.

"Les enchanteurs" est un bon roman, avec quelques longueurs.

Killeur.extreme - Genève - 42 ans - 4 juillet 2015


Une oeuvre parmi d'autres de R Gary 7 étoiles

J'ai lu il y a quelques années quelques uns des romans les plus connus et les plus adulés de R Gary : La promesse de l'aube (captivant et magnifique), La vie devant soi (plus accessible et tout aussi prenant), et Gros câlins (drôle et touchant). J'avais envie de relire à nouveau une oeuvre de cet écrivain prolifique et dont j'étais convaincue de préférer toujours plus le style au fil des années. J'ai choisi Les enchanteurs à la bibliothèque, roman dont je n'avais jamais entendu parler.

Le résumé de Guigomas est très clair ; nous suivons en effet l'histoire de cette famille déroutante qui a existé au 18ème siècle, famille d'artistes voire de charlatans, qui avait une conception particulière de la vie, de la tricherie, de l'humour, de l'amour. Ces périples familiaux sont racontés par un homme qui a "du vécu", mais qui nous conte jusqu'à sa plus tendre enfance ses sentiments, ses goûts, son parcours.
R Gary est quelque part lui aussi un magicien ; il arrive à nous berner avec une histoire finalement simplette, avec peu de suspense, qui nous ravit pourtant grâce à l'élégance et à la fluidité de son style. J'ai cependant trouvé ce roman un peu trop long, j'ai eu du mal à arriver au bout malgré l'émerveillement qu'ont suscité certains passages de par leur forme.

Elya - Savoie - 34 ans - 4 février 2012