Le secret de la sibylle
de Jean Claude Bologne

critiqué par Persée, le 14 juillet 2001
(La Louvière - 73 ans)


La note:  étoiles
Une encre vraiment sympathique
Que n'ai-je lu Bologne plus tôt ! Je dévore aussitôt trois plats de ce maître-queux adepte de la Nouvelle Fiction (c’est moins chiche que la nouvelle cuisine). Sa truculence et sa subtile connaissance du moyen Age font qu'on déguste sa prose avec la délectation amusée du fin gourmet.
En guise de dessert, voici « Le Secret de la Sibylle ». Le premier chapitre, rédigé dans un style enlevé comme un galop de cabri, nous apprend comment le héros en vient à confondre sa confortable épouse avec le fauteuil où elle somnole, bref, à confondre l’être et la chose. Que les épouses un peu dodues se rassurent avant d’entreprendre une cure d’amaigrissement : la suite leur apprendra les fins dernières de ce discours sarcastique. Elles en sortiront grandies.
A la faveur d’une enquête sur un vol d'enluminures du XIIIème siècle, nous faisons la connaissance d'un . illuminé diablement érudit qui s'applique à reconstituer « Le Livre », dont l’auteur prétendait identifier le mot à la chose. Et, bigre ! la magie opère encore.
Mais il y a pire que les voleurs : les receleurs. Et pire que les receleurs : les iconoclastes. Car il se trouve encore un Livre derrière Le Livre. Et une sibylle, prête à le remettre à qui en paiera le prix.
L’enquête s’avère une quête. Et le vol, une initiation grâce à laquelle notre homme parviendra à surmonter ces peurs qui nous sont communes à tous, mais que chacun de nous doit vaincre à sa manière. Le couple à la dérive, qu'il forme avec la femme-fauteuil, pourra ainsi se reconstruire après l’épreuve. Et l’épouse s'en trouvera transfigurée.
Mêler à nos angoisses contemporaines les questionnements qui transparaissent en filigrane des écrits moyenâgeux, nous obliger à toucher du doigt les peurs de nos lointains ancêtres, afin de pouvoir affronter nos propres démons, tel est le jeu subtil auquel Bologne nous convie dans un roman nerveux et ramassé.
On dirait de l’Eco… mais alors, un Umberto Eco qui aurait subi une salutaire cure d'amaigrissement (le roman totalise 170 pages). Je ne sais si un Pavarotti mince chanterait aussi bien mais, en littérature, la concision vaut son pesant d'or. On pense aussi à Gilbert Sinoué (Le Livre de Saphir) ou à Perez-Reverte (le Tableau du Maître Flamand). Mais ne nous y trompons pas, la sauce, à base de mysticisme athée, est typiquement… (j’ose ?…) bolognaise. Un régal ! (A déconseiller tout de même à ceux qui ne doutent de rien.)