L'art de guillotiner les procréateurs : Manifeste anti-nataliste
de Théophile De Giraud

critiqué par Kinbote, le 7 juin 2006
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Le dernier tabou
Quoi de plus dérangeant que ce livre, vu qu’il questionne l’acte de procréer. Théophile de Giraud montre que l’homme ne s’est jamais vraiment posé la question du bien fondé de la procréation même si l’abondance de citations qui émaillent ce livre atteste d’une préoccupation latente qui n’avait pas encore vraiment trouvé son penseur.

L’auteur montre d’abord que la vie n’est que douleurs et qu’hommes et femmes, s’ils procréent, ne le font jamais pour le bien de l’enfant. Comme il l’écrit, l’amour parental n’est qu’une autre forme de l’amour propre. De Giraud démontre que, contrairement à ce que l’on pense, les religion, et le christianisme, n’ont pas toujours prôné la fécondation. Il estime légitime que les enfants portent plainte auprès de leurs parents pour le crime qu’ils ont commis en les mettant au monde. Ensuite, il rappelle que depuis longtemps de nombreux démographes sonnent le signal d’alarme de la surpopulation qui à terme portera atteinte à l’environnement. Théophile de Giraud use à ce propos du terme de surpollupopulation. Il milite en faveur de l’agathogénisme, c’est-à-dire « la recherche de la Procréation selon le Bien ainsi que les conditions garantissant à l’enfant la plus haute probabilité de tomber entre les mains de parents acceptables, selon la réaliste expression de Bettelheim. » Il engage les états à promouvoir une formation pour les candidats parents puisque toutes les professions en réclament, à commencer par celles qui ont pour mission de s’occuper de l’éducation des enfants : pédagogues, psychologues... Il s’étonne que le droit de vote ne soit accordé qu’à 15 ans alors que le droit d’enfanter est autorisé dès la fin de l’adolescence. Dans le même ordre d’idée, il montre que les parents désireux d’adopter sont, eux, soumis à des contrôles permanents sur une période de plusieurs mois. Pour lui, l’âge idéal pour procréer se situerait entre 30 et 40 ans.
Il use du terme de métatocie (« l ‘Accoucher au-delà de ») pour désigner le processus de procréation selon l’Esprit dont le paradigme est livré par le mythe de Zeus donnant naissance par la tête à Athéna.
Partant du constat que la femme n’est jamais si féconde que dans les sociétés phallocrates, il pense que c’est par le féminisme qu’on parviendra le mieux à lutter contre la fécondité et qu’il faut dissocier « maternité » et « féminité » : « Il faut dire la vraie femme est la femme artiste ou philanthrope et non la femme populatrice. »
Enfin, il appelle à une grève de la procréation tant que les conditions de vie ne sont pas optimales pour l’enfant avec ce slogan à l’adresse des sociétés ultramarchandes: « Pour enrayer la tyrannie de la Production, boycotter la reproduction ! ». Action que des Finlandaises ont déjà réalisé afin qu’un projet de centrale nucléaire soit abandonné dans leur région.

Il ne faudrait surtout pas lire ce livre comme un objet uniquement provocateur car, s’il joue allègrement sur la transgression du dernier tabou de l’humanité, dans la tradition surréaliste et une langue splendide, il soulève des questions essentielles sur l’ « être » de l’homme et les conditions de sa survie tout en créant des concepts philosophiques et en proposant des solutions réalisables. Cet ouvrage essentiel, lu dans sa première version par André Blavier, est répertorié dans la réédition de ses Fous littéraires.