Trois dollars de Elliot Perlman

Trois dollars de Elliot Perlman
( Three dollars)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Natalina, le 7 juin 2006 (Mulhouse, Inscrite le 7 juin 2006, 51 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 6 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 145ème position).
Visites : 4 231  (depuis Novembre 2007)

Quelques dollars à peine ... mais que d'âme !

Fin 2005, nous découvrions Elliot Perlman, auteur australien jusqu’alors inconnu en France, qui faisait une entrée remarquée sur la scène littéraire avec son captivant roman « Ambiguïtés ».

« Trois Dollars » est le premier roman de cet avocat – écrivain surprenant, roman publié en Australie en 1998 et qui lui a valu le Book of the Year Award.

Perlman part d’une situation qui pourrait sembler tout à fait banale : un homme de 38 ans, prénommé Eddie, se retrouve soudain face à Amanda – une camarade d’enfance – avec en tout et pour tout trois dollars en poche. Rien d’exceptionnel en soi, n’est-ce pas ?

Oui, mais ce qui intéresse Perlman – et qui vous intéressera aussi si vous mettez un pied – que dis-je, un œil – dans ce roman, ce n’est pas le fait en lui-même, mais bel et bien le comment : comment un homme aussi charmant, sensible, généreux, intelligent, brillant même, que ce Eddie, s’est-il retrouvé dans une situation si peu enviable ? C’est là que réside tout le mystère …
Alors, pour l'élucider, Perlman entreprend de détricoter son histoire ; commençant par le commencement, il nous ramène à l’enfance d’Eddie, alors qu’il jouait innocemment avec ses camarades de jeux, dont la jolie Amanda aux cheveux brillants comme dans la pub pour le shampooing. Ils s’entendaient à merveille, cependant voila que leurs chemins se séparent … pour neuf ans et demi. Car voilà encore un constat pour le moins étonnant : à partir de cet instant, Eddie recroisera Amanda tous les 9 ans et demi, à différents carrefours de sa vie ; sans doute un clin d’œil du destin …

Les années passent, Eddie grandit, poursuit de brillantes études pour devenir ingénieur chimiste, aime une femme merveilleuse et l'épouse. Le mystère ne fait donc que s’épaissir : lui qui entame un parcours de vie si réussi, comment expliquer sa chute ?

Ceux qui préfèrent les romans d'action, pourront trouver ce roman un peu long. En revanche, les amateurs de psychologie humaine, qui aiment comprendre ce qui pousse un être agir, comment sa vision du monde, les évènements de sa vie, le façonnent et influent sur sa destinée, ceux qui aiment parcourir les dédales des pensées d’un héros peu commun et plein de richesse, adoreront ce roman beau et bien écrit, qui fait fi de valeurs « actuelles », fi aussi du « nouvel ordre mondial », pour remettre à la page des valeurs morales, éthiques et surtout profondément humaines. Pour nous rappeler aussi que « Tant que se nourrir reste une distraction, rien n’est perdu ». Un roman touchant, savoureux, à ne pas manquer.

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Le début de la fin

6 étoiles

Critique de Nomade (, Inscrite le 14 février 2005, 12 ans) - 15 décembre 2011

Trois dollars, c’est la somme que possède Eddie, 38 ans, planté sur un quai de gare dans la banlieue de Melbourne. Neuf, c’est à quelque chose près le nombre d’années qui sépare ses rencontres furtives avec Amanda, son amour d’enfance. Et c’est parti pour un livre guère joyeux qui risque d’enfoncer encore plus bas que terre les lecteurs qui, bien que remuant ciel et terre chaque jour que Dieu fasse, n’arrivent pas à se dépêtrer de la merde.

On se dit que ce trentenaire qui a fait de bonnes études, qui a une bonne situation professionnelle et financière, qui a épousé une femme qu’il aime bien (mais sans plus) avec qui il a une petite fille est un looser. Pas un looser né. Il va le devenir sans le vouloir et va être très vite dépassé par des événements négatifs qui vont l’engloutir petit à petit. Un looser donc ou un paresseux comme le clame la société dans laquelle il vit puisqu’il n’arrive pas à s’en sortir. Eddie peut être moi, toi, vous demain ou après-demain. Tout peut basculer du jour au lendemain et l’on devient le pantin de forces invisibles. Comme toujours, les moments les plus durs sont les moments où le temps s’écoule très lentement. D’où les multiplications de longueurs dont on ne voit pas le bout. La lecture devient éprouvante. On s’accroche comme on peut, certainement par compassion envers Eddie qui est loin d’être un méchant gars.

Trois dollars, c’est le titre de l’ouvrage. Une somme que possède Eddie planté sur un quai de gare après avoir aperçu Amanda, son amour d’enfance, neuf ans après sa dernière rencontre, dix-huit ans après l’avant-dernière rencontre… Trois dollars dont on ne voit pas la couleur. Quant à Amanda, c’est un perpétuel courant d’air désagréable. Trois dollars, ce n’est pas une histoire que partagent deux êtres humains. C’est un pseudo prétexte pour suivre la déchéance de la classe modeste australienne.

La chute

6 étoiles

Critique de Poignant (Poitiers, Inscrit le 2 août 2010, 57 ans) - 2 septembre 2011

Eddie Harnovey a grandi à Melbourne. Après une enfance agréable de fils de la classe moyenne, une adolescence où il rencontre et aime Tanya, des études réussies quoique non –passionnantes, son entrée dans le monde adulte est tout ce qu’il y a de plus banal (travail, mariage, enfant, maison…). Une suite d’évènements va progressivement fissurer ce bonheur ordinaire pour aboutir à son effondrement….
Le principal intérêt de ce roman est dans la description douce-amère de la chute de l’univers d’Eddie, personnage emblématique d’une génération d’occidentaux née dans les années1960, qui n’a connu que la crise et dont la vie sociale va s’avérer plus dure et compliquée que celle de ses parents. Génération perdue, mais aussi parfois passive, incapable de réagir aux évènements qui la tire vers le bas.
Ce roman est aussi une critique acide du monde économique actuel, libéral, mondialisé, qui brise des êtres humains dépassés par d’incompréhensibles et brutales mutations. Eddie, c’est la classe moyenne grecque en 2011…
D’un style agréable, mais avec quelques longueurs, l’écriture de l’australien Eliot Perlman manque cependant à mon goût de relief et de puissance, avec des positions politiques et sociales trop manichéennes, pas assez abouties.
Je préfère, dans le même registre, la dissection de la condition de l’adulte occidental par l’américain Richard Ford, plus riche, plus profond.
Bref, « Trois dollars » est un bon roman, mais il y a mieux.

Dépressifs s'abstenir

4 étoiles

Critique de Lindy (Toulouse, Inscrite le 28 mai 2006, 45 ans) - 11 juillet 2010

Mais que c'est triste et si réaliste que l'histoire de ce couple qui pourrait être vous, qui pourrait être moi. La vie de ces gens, classe moyenne avec à peu près ce qu'il faudrait pour être heureux et qui dégringole par fragilité chronique, par inadvertance.

Je n'ai pas envie de ça, c'est assez déprimant dans l'ensemble. On entre dans le glauque de la vie des gens d'apparence bien et qui pourtant font preuve d'un mal être latent. Ah, j'allais oublier, ça finit quand même sur une note d'espoir, style quand on a touché le fond, ben on peut pas tellement aller plus bas...

« Les dernières convulsions des classes moyennes »

6 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 15 juin 2009

Amanda, c’est comme une balise dans la vie d’Eddie depuis que la mère de celle-ci lui a annoncé qu’il ne pourrait plus jouer avec elle car Amanda est la fille d’une riche famille et elle doit épouser quelqu’un de son milieu. Et depuis cette date, Eddie a rencontré Amanda tous les neuf ans et demi à des moments clés de sa vie.

A l’aube de la quarantaine Eddie qui a épousé Tanya avec qui il a eu une petite fille, traverse une nouvelle épreuve. Il a vu ses amis et autres connaissances se frotter, eux aussi, aux aspérités de la vie surtout quand celle-ci est régie par un pouvoir libéral qui a confié l’avenir du pays à des managers qui ne pensent qu’à court terme pour obtenir la meilleure compétitivité possible sans aucun respect de l’environnement ni de l’avenir de la planète. Ces êtres sans culture n’ont pas plus de respect pour les femmes et les hommes qui ont, comme Eddie et Tanya, bien des difficultés à assurer leur existence matérielle et vivent en permanence dans un état de stress pathologique qui les conduit au divorce, à l’affrontement entre amis et surtout à remettre en cause leurs idéaux qui ne sont plus compatibles avec leur plan de carrière. Dans cette glissade vers l’empire du plus fort, Eddie retrouve les vieux démons qui l’accompagnent depuis son enfance.

Ce récit qui «s’est révélé comme une histoire vraie de dégringolade sociale postindustrielle, les dernières convulsions des classes moyennes au crépuscule du deuxième millénaire», n’est certainement pas à la hauteur de l’ambition de son auteur. Certes, Ce projet était intéressant mais n’était nullement novateur, même si le roman a été publié en 1998 en Australie. A cette époque, de nombreux écrits avaient déjà abondamment traité de cette confrontation entre les idéaux nés des espoirs suscités par les événements de 1968 et la libéralisation qui en a suivi avec le pragmatisme économique né des premières alertes économiques du début des années « quatre-vingt-dix ». Même si ce récit peut paraître un peu prophétique quand on considère les événements économiques récents, on ne peut s’empêcher de garder l’impression d’avoir lu quelque chose de déjà vu, et même de trop vu notamment dans des chroniques politiques, car le roman semble parfois seulement un prétexte à dénoncer les méfaits du parti au pouvoir plus qu’une mise en perspective des événements à travers la vie d’un jeune couple à la dérive.

Ce texte manque aussi d’une certaine crédibilité car comment faire d’un ingénieur chimiste employé par un ministère, marié avec une jeune femme chargée de travaux dirigés à l’université, un couple dans la difficulté financière au point de ne pas pouvoir changer de voiture. On ressent plutôt dans cette histoire, une certaine incapacité de ces jeunes, nés dans une certaine facilité économique, à faire face aux aléas de la vie, à démontrer un certain entrain, à faire preuve d’initiative, à affronter la vie avec courage et décision. Leur vie se délite car ils la laissent aller, n’osent pas s’avouer leurs difficultés réciproques, préfèrent imputer leurs problèmes aux dirigeants et surtout ne savent pas exister en dehors de la fonction économique qu’ils occupent dans la société. La réussite n’est que matérielle et seule un retour aux origines de l’existence leur permettra peut-être de trouver un certain sens à leur humanité.

Ce livre aurait pu être un grand roman, le thème offrait moult possibilités mais l’auteur semblait trop obnubilé par des prises de position politique pour prendre le recul nécessaire au traitement de cette si vaste question. Certes Perlman a le sens de la formule mais le texte proposé est par trop fruste, il manque de fluidité, de lisibilité et surtout il est long, beaucoup trop long, pour raconter une histoire qui demandait plus de densité, d’émotion, de révolte, de colère et surtout pas toutes ses répétitions pour s’assurer que le lecteur a bien compris comme devrait comprendre un électeur pas très averti. Et pourtant, il pouvait disserter d‘abondance autour de cette formule «Les économistes néoclassiques sont parvenus à convaincre presque tout le monde d’adopter l’axiome selon lequel il est préférable de renoncer à la garantie de nos besoins vitaux plutôt que de renoncer au libre arbitre. »

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