La folie de midi
de Takis Theodoropoulos

critiqué par Sahkti, le 30 mai 2006
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Mortel narcissisme
A force de trop se regarder le nombril, le narrateur finit par se détester. Air connu que Theodoropoulos met subtilement en musique grâce à ce personnage dont le fantôme revient hanter les pensées. Notre homme était autrefois gauchiste, proche du prolétariat, tout comme sa femme. Reconverti dans les affaires, il en a perdu beaucoup de son sens moral, ce qui rend sa vie actuelle quelque peu triste et terne, parce que sans culpabilité, on ne se sent pas vraiment mal et à force de penser que tout va trop bien, ça finit forcément par aller mal.
Le narrateur s'ennuie alors il cherche la cause cette lassitude, qualifié joliment par Theodoropoulos "d'ennui parfaitement démocratique". Une vie sans ennui est une vie qui s'ennuie; face à cette terrible conclusion, le héros n'ara de cesse que de rechercher du sang, de la souffrance (pas uniquement dans les fantasmes sexuels sadomaso de sa femme!) et pour ce faire, une arme se dessine lentement mais sûrement: le suicide.

Attention: ceci est un livre féroce!
Takis Theodoropoulos, l'air de rien, décrypte chacun des mécanismes du narcissisme et de l'ennui contemporain.
Force est de reconnaître qu'il a raison lorsqu'il énonce que généralement quand tout va bien, c'est qu'en fait ça va mal, mais qu'on se ment souvent à nous-mêmes. Jusqu'au jour où...
J'avais aimé "Les sept vies des chats d'Athènes" et c'est avec plaisir que je retrouve ici la verve et la causticité de Theodoropoulos. Le style est vif, il y a pas mal de répartie et puis j'apprécie particulièrement le symbolisme à peine voilé que l'on trouve dans ce texte: la gauche passée à droite, le militantisme devenu ennui, le narcissime devenu suicide nombriliste. Ça en serait presque pervers tellement c'est habilement tourné.