Parfois il discutait avec Dieu
de Pia Petersen

critiqué par Sahkti, le 29 mai 2006
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Etre clochard par revendication
"Il aurait pu vivre autrement, dans un appartement, au chaud devant la télé. Mais il avait choisi la marge, il vivait en bordure du monde et il y faisait souvent froid."

Récit d’un homme étrange, pour ne pas dire bizarre, qui passe son temps à errer en ville et qui a choisi la marginalité. Car il s’agit bien d’un choix dans le cas présent et pas d’un accident de parcours. Notre homme préfère la compagnie de la rue à celle d’un doux foyer. Considérant le confort comme une norme sociétale imposée, le héros du roman choisit de s’en défaire, il veut vivre débarrassé de toute contrainte sociale. Il a perdu son identité, prétend s’appeler Hadrien ou Sébastien, il a de grands rêves et sa vie ne ressemble plus à rien. Pas toujours facile.
Il passe son temps perdu dans les bibliothèques. Pas du tout par envie de se cultiver ou de découvrir le monde en livres, non, mais simplement pour y trouver un peu de chaleur et de réconfort. Il va dans les églises aussi, il y médite beaucoup et y discute avec Dieu. Puis il y a la rue bien sûr. La rue dans laquelle il croise un tas de gens, qui lui sont pour la plupart indifférents, sauf un jour, une femme, dont il tombe amoureux rien qu’en la regardant. C’est là qu’il réalise à quel point sa marginalité est un obstacle et un fossé difficile à traverser.

Beau texte de Pia Petersen qui décrit le parcours d’un homme englué dans la misère humaine. Pas de pathétisme ou de voyeurisme chez l’auteur, mais une évocation en douceur et en subtilité des errances d’un homme qui se cherche et a cru se retrouver en abandonnant toute référence à la vie standardisée qu’on s’impose. Mais quitter cette vie de confort pour une autre, plus misérable et en apparence plus libre, n’est-ce pas s’enfermer dans une autre contrainte ? Il semblerait que oui. La fuite n’est qu’un leurre et ce qu’on prend pour une liberté complète n’est qu’un emprisonnement travesti qu’on finit rapidement par ressentir comme oppressant. Difficile alors de faire marche arrière et de retrouver ses repères. A méditer.