( À suivre), 1978-1997, une aventure en bandes dessinées
de Nicolas Finet

critiqué par Shelton, le 21 mai 2006
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Oui, ce fut grand !!!
J’avais 22 ans quand le premier numéro est sorti en librairie... Comment voulez-vous qu’un ancien lecteur de Pilote, qu’un fan de bédés puisse échapper à la tentative de lecture... Mais lire (A suivre), c’était l’adopter ! Mais comme je ne suis pas là pour ne parler que de mes souvenirs, passons à ce magnifique ouvrage qui retrace une aventure que j’ai suivie, jour après jour, comme lecteur, dans un premier temps, mais aussi comme critique, dans un deuxième temps.
Ce livre va permettre aux jeunes lecteurs de comprendre que la bédé d’aujourd’hui ne s’est pas faite en un jour, ni un an (comme Paris, parait-il)... Il a fallu que les auteurs se remettent en cause, régulièrement, qu’ils s’affranchissent des règles qui les enfermaient hier, qu’ils construisent des espaces de liberté... En 1959, Goscinny, Uderzo, Charlier, Hubinon et d’autres, en créaient un avec le journal Pilote qui va permettre à de nombreux talents d’éclore et à la bédé de prendre un premier grand virage. Que serait la bande dessinée sans les séries Astérix, Blueberry et Lucky Luke (créée avant Pilote, mais re-dynamisée dans Pilote) sans ce magazine ?
Quand certains auteurs se rassemblent, à la fin des années soixante-dix, autour de Jean-Paul Mougin, qui deviendra rédacteur en chef de (A suivre), ils veulent autre chose que ce qui existe déjà... Ils veulent faire grandir leur art narratif, lui donner ses lettres de noblesse... Goscinny, en son temps, avait déclaré que la bédé était le neuvième art, eux, ils veulent que ce soit une réalité ! Ils veulent aussi que ce mode de narration ne soit plus uniquement consacré aux jeunes lecteurs...
Certains les ont précédés, ont montré la voie comme Jean-Claude Forest avec sa «sulfureuse» Barberella... « Charlie mensuel » a montré la voie en ouvrant un espace à la bédé adulte. Mais ce que veulent ces auteurs, c’est qu’elle ne soit pas limitée, cette bédé pour les grands, à du cul ! Non, la bande dessinée adulte doit pouvoir aller partout, toucher à tout, réfléchir, raconter, montrer, avec une liberté totale !
Les revues ne manquent pas, en ces temps bénis de la bédé, c’est un véritable foisonnement avec L’écho des savanes (1972), Métal hurlant (1975), Fluide glacial (1975), Circus (1976)... Mais la maison Casterman, qui pourtant est celle qui édite le premier album de Hugo Pratt en français, est absente de ce paysage...
En 1976, Didier Platteau lance l’idée de ce nouveau magazine « mensuel, en noir et blanc permettant de publier par chapitres de longs récits à la manière de La ballade de la mer salée... »
Les éditions Casterman avaient publié ce long récit de Hugo Pratt (160 planches en noir et blanc) en 1975, album qui récupère un prix à Angoulême en janvier 1976. Mais, il fallait aller plus loin et sortir définitivement du nombre de planches imposées. Les auteurs avaient besoin de place pour raconter leurs histoires...
Les auteurs qui seront là dès le départ de cette aventure sont devenus, ou étaient déjà, des très grands de la bédé : Hugo Pratt, Jacques Tardi, Jean-Claude Forest, Sokal, François Schuiten, Goffin... auxquels se joindront Comès, Munoz, Manara, Ted Benoît, Warnauts et Raives... Mais en faire la liste complète serait fastidieux et dommageable à tous ceux que l’on ne manquerait pas d’oublier comme Cabanes, Loustal, Bourgeon, Rochette, Ferrandez... Bref, pendant plus de dix ans, cette revue sera une pépinière de talents, un bonheur pour les lecteurs et une excellente vitrine pour la bande dessinée adulte, mature, littéraire et artistique...
C’est cette aventure que nous refait vivre Nicolas Finet avec une multitude d’illustrations, d’interviews, de témoignages, de portraits d’auteurs, de héros, de plaisirs... Il est impératif d’avoir cet ouvrage dans votre bibliothèque si vous aimez la bédé, si vous avez lu (A suivre), si vous regrettez l’époque de (A suivre), si vous n’étiez pas né à cette époque pour nous comprendre (bel effort de compréhension et de solidarité), bref, vous devriez tous l’avoir chez vous... Quant à ceux qui ont vécu cette épopée, alors vous la complèterez de votre collection personnelle du magazine (numéro spécial sur Hergé lors de sa mort, par exemple) et de souvenirs (vous savez, ce que personne ne peut vous ôter)...