Les Géorgiques
de Claude Simon

critiqué par Unautre monde, le 19 mai 2006
( - 64 ans)


La note:  étoiles
Le tableau de Guernica transposé en littérature
Adepte des techniques littéraires du "nouveau roman", Claude Simon nous présente un patchwork formidable de la guerre sous toutes ses formes dans ce qu'elle a de plus inhumain.

Mélangeant les tableaux de la guerre de 40, la guerre d'Espagne, mais aussi les guerres révolutionnaires, puis impériales françaises, il nous conte la déshumanisation de ceux qui voient leur destin fracassé par cette épreuve. Même s'ils n'y laissent pas leur vie, ils y perdent tout sens à leur vie.

Ces tableaux de l'absurde condition du guerrier s'entremêlent avec ceux de la vie du simple habitant de cette terre qui tire sa subsistance de cette terre nourricière.

Cette magnifique opposition forme un superbe tableau impressionniste de la condition humaine, dans ce qu'elle a de plus beau et de plus tragique. Nul livre "réaliste" n'aurait pu mieux faire percevoir, partager, vivre dans sa chair, l'horreur de la guerre, que ce magnifique ouvrage.

Avec ses phrases interminables mais toutes plus imagées et poétiques les unes que les autres, ce livre ne laisse pas de dérouler une atmosphère envoûtante, qui prend le lecteur "par les tripes" et l'empêche, le soir venu, la nuit tombée, de le refermer tant que les paupières ne se baissent pas d'elles-mêmes après l'extinction de toutes nos forces.

Bravo l'artiste !
Prose poétique 10 étoiles

La guerre, la vie, la terre, les champs, les paysages, les villes, les chevaux, les bombardements... tout cela se mêle, s'entrelace, au cours de ce roman, de ce chef d'oeuvre.

Beaucoup de descriptions, d'images qui nous marquent profondément ( certains paysages, visions de villes bombardées, de routes bordées de cadavres...), de personnages flous désignés par il, qui ne portent pas de nom. Et tout cela dans des phrases qui s'étirent, se prolongent sur plusieurs pages ( certaines phrases atteignent même les vingt pages! ) sans jamais de lourdeur mais avec une beauté (une puissance) poétique impressionnante, coupées par des lettres de L.S.M, un des "héros" du roman, ancêtre de l'auteur.

Aussi une critique de la condition de guerrier, de cet homme qui ne prend pas le temps de goûter la vie (" cahoté sur les routes " ... ) .

En tout cas, un livre à lire rien que pour la beauté de sa prose et pour sa puissance évocatrice.

OC- - - 27 ans - 16 mars 2011


Du feu mêlé d'eau 10 étoiles

La force folle de ce roman est d’arracher à notre âme (ou plutôt à nos tripes) une idée vague et baroque des atrocités de la guerre. Notre esprit qui peine à concevoir tant d’horreur voyage ici dans un infini tout bleu, où la nature, plein de calme et de majesté, contemple les gouttelettes rouges de cette boucherie qui colore la terre.
Le ciel immuable et serein l’est encore moins que la guerre, qui se répète et dont les échos n’ont pas de fin. Claude Simon par ces techniques narratives propres au Nouveau Roman, imbrique et entremêle si subtilement des histoires de plusieurs guerres que nous ne comprenons plus rien à cette absurdité qui nous fait apparaître un avion au dessus de la tête de Napoléon.
Le plus haut degré d’une littérature qui est sublime par sa poésie, et qui nous effraie par son tableau morbide.

Don_Quichotte - Metz - 36 ans - 15 mars 2008