L'adieu au Nord
de Pascale Kramer

critiqué par Laure256, le 11 mai 2006
( - 51 ans)


La note:  étoiles
Un sentiment de malaise et d'étouffement : c'est là tout l'art de ce roman !
Il m'a fallu du temps pour savoir si j'aimais ou non ce livre. Dès le début est né un sentiment de malaise à la lecture de ce roman que je trouvais oppressant et malsain. Mais j'avais envie néanmoins de poursuivre ma lecture. C'est alors que j'ai perçu le talent de l'auteur à créer, plus qu'une histoire, d'abord une atmosphère, un climat étouffant de violence et de sentiments malmenés par le désarroi.
Dans le Nord de la France, Alain, la petite quarantaine, travaille à la cressonnière de son frère Jean, avec d'autres employés, hommes célibataires tout aussi bourrus que lui, Sven, et Serge. Au village la fille de l'épicier s'ennuie, la jeune Patricia, pas tout à fait majeure, va occuper son ennui à séduire le taciturne Alain. Elle ne se sépare jamais de sa copine Luce, fillette de 11 ans, tout aussi désoeuvrée qu'elle. Dans la chaleur écrasante de l'été naît la violence du désir. Le désir d'Alain pour Patricia. Le début de leur liaison. L'affolement d'Alain lorsque Patricia lui annonce son départ pour l'Irlande. Il la suit.
D'errances en drames, le viol de Luce, la grossesse de Patricia, c'est l'histoire annoncée d'un échec, dans ce monde miséreux de jeunes gens incapables de dire leurs sentiments. La violence latente et l'incapacité des personnages à faire des choix cohérents ou "adultes" concourent à cette impression d'étouffement.
Il m'a fallu du temps donc, pour comprendre cela. Et penser alors que ce roman était excellent. Même s'il en reste un certain pessimisme, toujours empreint de malaise. Pour le talent de l'auteur j'ajouterai aussi que tous les personnages secondaires sont bien définis, presque tous aussi paumés qu'Alain et Patricia, apportant davantage encore, si besoin était, de cohésion à l'ensemble.
Le choix de l'éditeur d'avoir mis une scène clairement érotique en 4ème de couv. me gêne un peu : non pas pour la description crue, (les scènes d'amour le sont toutes dans ce livre) mais pour le malentendu : il ne s'agit pas d'un roman érotique, encore moins d'un genre douteux. La violence du désir décrit ne traduit qu'une très grande pauvreté intérieure. Attention donc à ce qu'il n'y ait pas tromperie sur la marchandise.
On pourra voir l'interview intéressante de l'auteur sur ce site : http://culturactif.ch/livredumois/nov05kramer.htm/.