Mont-Cinère
de Julien Green

critiqué par Réaliste-romantique, le 6 mai 2006
( - - ans)


La note:  étoiles
La fille contre la mère
Dans le sud des États-Unis, plusieurs années après la guerre de Sécession, trois générations de femmes se retrouvent à co-habiter dans le même domaine, Mont-Cinère. Les propriétaires, Mr. et Mrs. Fletcher, y vivaient un mariage froid, chacun de son côté, sans presque se parler. La maison de 12 pièces se prêtait bien à cette isolement. Une fille naquît quand même de cette union, mais son père est indifférent et la relation avec la mère n'est pas non plus chaleureuse. L'enfant grandit tout de même, mais le père vient à mourir alors qu'elle est encore toute jeune. La mère prend alors en main les rênes du foyer, contrôlant le budget. Elle élimine progressivement les dépenses superflues, renvoie quelques domestiques, reprend la charge des petits travaux. Elle ne le cesse de le répéter à sa fille : "Nous sommes pauvres!" Un jour, Mrs. Elliot, la grand-mère, se retrouve quelque peu dans la gêne, et propose à sa fille d'aller habiter dans sa grande maison. Cette dernière tente de l'en décourager, mais sans succès. Cette arrivée de l'ancêtre modifie un peu la balance du pouvoir, certaines dépenses sont engagées pour la maison. Toutefois, Mrs. Fletcher n'a pas dit son dernier mot : une bataille rangée entre la dépensière et l'économe s'engage. La victoire est presque totale pour Mrs Fletcher lorsque la vieille subit une attaque. Mrs Elliot s'en remet, mais n'a plus la combativité d'antan. Mrs. Fletcher est alors la maîtresse incontestée et sabre dans les dépenses pour faire face à leur pauvreté. La main de fer est maintenue pendant quelques années, mais la jeune fille vieillit et n'en peut plus de vivre aussi misérablement. La révolte s'allume, et est alimentée par les braderies de la mère, les objets disparaissent régulièrement du domaine. L'héritière tient à son bien, surtout qu'elle soupçonne sa mère de ne pas être pauvre, mais maladivement avare!

Ce huis-clos entre femmes, le domaine est retiré du village, peu de personnages extérieurs interviennent dans l'histoire, est une bonne histoire à lire l'automne. Il fait froid, la maison n'est pas chauffée, l'atmosphère est glaciale, mais le torchon brûle! La tension est forte entre ces femmes et l'histoire subit quelques revirements, bien que parfois un peu forts, qui lui donnent de la vie. L'évolution drastique des personnages manque peut-être un peu de crédibilité, mais elle permet de raconter une bonne histoire.
L'avarice nuit gravement à la santé 7 étoiles

Une fille souffre donc de l'avarice, tant physique qu'affective, de sa mère, pour qui rien ne compte vraiment. Sa grand-mère meurt alitée, dans sa chambre chauffée, ce qui attise encore d'un cran la tension entre mère et fille.
La rencontre avec le pasteur de la paroisse la plus proche, de cette immense maison isolée, finit par lui faire ouvrir les yeux sur le sens de l'existence, mais seulement pour un temps, semble-t-il.
Et cette maison glaciale finit par connaître le sort que sa dénomination lui prêtait, de manière prédestinée. Je vous laisse découvrir dans quelle ambiance, qui évolue au fil du livre, ce qui en fait tout le sel.

L'avarice est à l'origine de l'incommunicabilité entre mère et fille. Elle crée incompréhension, les rend taciturnes, nerveuses et revêches. Cette immense demeure, qui pourrait être un paradis, devient le réceptacle d'une pluie de frustrations et de haines rentrées. Le mépris, la colère froide semblent devenir héréditaires, et rien de bon semble pouvoir sortir de cette maison, de ce climat.
L'auteur semble prendre un malin plaisir à dépeindre des personnages qu'il déteste, par leur laideur morale, à décrire des atrocités relationnelles, des sommets de mesquinerie. Si l'ensemble est intéressant psychologiquement, quel effroi, que c'est pénible. Rien n'est épargné à la lectrice et au lecteur. La sinistrose des personnages risque de l'atteindre.




Veneziano - Paris - 46 ans - 11 août 2012


Les diaboliques 7 étoiles

A la fin du 19ième siècle, aux Etats-Unis, une femme avare, Mrs Fletcher, et sa fille Emily s’affrontent dans leur maison nommée Mont-Cinère pour la possession de celle-ci et de l’héritage de Stephen Fletcher, pas plus père regretté que mari pleuré.

Mrs Fletcher a décidé – où l’est-elle vraiment ?- qu’elle était pauvre, et fait l’économie de tout, du bois, de la nourriture et même de son affection pour sa fille qu’elle déteste. Emily quant à elle est persuadée qu’elle a des droits sur la maison et hait sa mère qui vend en douce quelques meubles pour assurer leur subsistance.
Vient se rajouter à ce tableau la grand-mère, Mrs Eliott, qui entretient le climat de la maison pour occuper ses journées… Rien ne fera reculer la méchanceté et la bêtise de ces femmes engluées dans leurs habitudes malsaines…

C’est un livre dur où la haine est déclinée à toutes les personnes. Un livre dans lequel la maison – comme dans Minuit – joue un rôle essentiel. On retrouve d’ailleurs cet univers féminin décrit déjà dans ce roman de Julien Green, ainsi que les thèmes de l’abandon, de la pauvreté et de la folie.
Un livre peu commun, encore une fois, mais qui se lit aisément et avec plaisir pour son style d’écriture si agréable.

Antinea - anefera@laposte.net - 45 ans - 29 mars 2010