Le maître de fengshui perd le nord
de Nury Vittachi

critiqué par Grass, le 26 avril 2006
(montréal - 46 ans)


La note:  étoiles
Mourir est très mauvais pour le Feng-Shui
Bien plus qu’une mode bidon en occident, le Feng-Shui est en Chine un art ancestral noble et respecté, un peu dans la même situation que le Tofu. De là à s’en servir pour résoudre des énigmes et trouver des criminels (je ne parle plus du Tofu), il y a un pas, mais il faut admettre que c’est drôlement original.

Drôlement, mets-en. Si l’enquête surprend par son incongruité, elle en reperd cependant à certains moments où le hasard semble trop bien faire les choses. Disons que les personnages ont le cul bordé de nouilles. Mais bon, on passe, parce que fondamentalement, ce livre est drôle. Très drôle.

On a affaire à C.F. Wong, un vieux chinois maître de Feng-Shui et un peu radin en plus. Il est retiré dans ses principes, ses traditions et ses pensées qu’il essaie de mettre en recueil. Mais voilà, il faut vivre, travailler, avoir un bureau, des employés. Peut-être ne s’est-il jamais attardé au Feng-Shui de ses propres locaux, car ses deux employées ne semblent lui poser que des ennuis. Winnie, la secrétaire, s’est trouvé un système de classement des dossiers dont elle seule en connaît la logique, se libérant ainsi de toute possibilité de congédiement et fait donc comme bon lui semble. Puis il y a Joyce, une jeune australienne de 17 ans, la fille d’un des gros client de Wong, qui fait office de stagiaire imposée.

Langage, pensée, nourriture, mode de vie, tout est différent entre Joyce et Wong, qui finiront bien par se compléter, à leur grande surprise. Ces différences donnent lieu à un grand nombre de malentendus et de situations cocaces, comme lorsque Wong se retrouve dans une boîte de nuit à se faire raconter une histoire en vers rimés par un rappeur top-cool. Et n’oublions pas Sinha et Madame Xu, les deux voyant orgueilleux qui forment un couple absolument tordant.

On va croiser un fantôme dans un cabinet de dentistes, une fille enfermée dans une chambre noire qui parvient à poster une lettre, un sacrifice de poulet au micro-ondes et une jeune fille dont la mort est prédite qu’on emmène à l’endroit au pire Feng-Shui sur Terre.

Un roman sur les différences, où le traditionnel doit faire avec le moderne pour s’en sortir, où le calme de l’habitude est sans cesse bousculé, dans un Singapour cosmopolite et bordélique.