Louis XIV
de Philippe Erlanger

critiqué par Jules, le 4 juillet 2001
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Un grand livre pour un grand Roi
Il aura fallu un tour de force du capitaine des gardes, Guitaut, pour que naisse Louis XIV ! C’est par ruse qu’il arrivera à ce que Louis XIII passe la nuit dans le lit d’Anne d'Autriche.
Celui-ci s'en enfuira le lendemain matin pour vite retourner à ses « mignons ». Quelques semaines plus tard, on annonçait que la Reine était enfin enceinte !
Louis XIV naît le 7 septembre 1638 à Saint Germain. Gaston d’Orléans est parmi les plus intéressés par cet accouchement, auquel assistent les « grands », craignant une supercherie tant l’homosexualité de son frère était notoire.
Le petit Louis (Dieudonné) sera d'abord élevé dans l’ambiance de haine qui régnait entre ses parents. A la mort de son père, ce sera la régence d'Anne d’Autriche avec un Cardinal de Mazarin tout puissant. Celui-ci était rusé et pingre mais certainement pas idiot, loin de là !
Pendant la minorité du roi, la France est secouée de troubles, dont « la Fronde » qui est une révolte des « grands » contre le pouvoir royal. Le prince de Condé, génie militaire, en avait pris la tête, soutenu par l’Espagne. Mais Mazarin va la vaincre par sa détermination, et la France triomphe de l'Espagne.
Sur son lit de mort, Mazarin donna une série de conseils au roi, dont ceux de défendre l’église, de traiter la noblesse avec confiance, d'affermir le pouvoir royal, d’alléger les impôts et de ne souffrir aucun scandale ni impiété à la Cour. Il se limitera à suivre les conseils touchant à l’église et à son pouvoir absolu. En tout cas pas le dernier !. Son amour pour les femmes le fera digne petit-fils de son grand-père Henri IV. Mazarin mourut en laissant Colbert à Louis XIV.
Les protestants, suite à l'Edit de Nantes de 1598, jouissaient de privilèges importants dans le royaume. Louis XIV révoquera cet édit, ce qui aboutira à l’expatriation de très nombreux huguenots à travers l’Europe.
Le roi construit Versailles et va en faire le centre de son royaume. Une bonne partie de sa noblesse va s'y ruiner tant elle voudra vivre à l'ombre du pouvoir. Certains ont accusé le roi d’avoir saigné la France avec la construction de ce somptueux château et de ses parcs. Philippe Erlanger essaie de comparer le coût de celui-ci avec un exemple actuel. Il nous dit qu'il a coûté l’équivalent d'un porte-avions d'après-guerre. Vu ainsi, cela ne paraît pas excessif, mais quel était le PNB de la France à l’époque ? Ce qui est certain c’est qu'il a donné du travail a énormément d’artisans de génie et d'ouvriers.
Le pouvoir absolu du Roi est bien assis et l'Europe entière vit à son heure. Son obsession sera de lutter contre l'Espagne et d'agrandir ses possessions au sein des territoires germaniques. Il prendra des places fortes pour que les autres ne puissent en disposer à sa place. Aux premières victoires éclatantes (Flandres, Hollande) succéderont aussi d'importantes défaites, comme dans la guerre pour la succession d'Espagne. Le peuple grognera tant la misère devenait grande.
Louis XIV est aussi le roi qui aidera les arts et les lettres, ainsi que l'architecture. Tout est bon pour augmenter son pouvoir et le prestige européen de la France.
Mais le règne est long, très long, trop long !… A sa mort, en 1715, la France est épuisée, le peuple affamé et croulant sous les taxes. Le roi Soleil devra être enterré de nuit, de peur que des émeutes ne se déclenchent sur le passage du catafalque royal !…
Philippe Erlanger nous rend merveilleusement bien le caractère de ce roi, l’ambiance de son règne, celle de Versailles, la vision qu'avaient les autres pays d'Europe de la France, le mode de vie du peuple et de la noblesse.
Je vous conseille vraiment ce livre d'histoire, il se lit comme un roman.
Un Soleil pour la France. 7 étoiles

Philippe Erlanger est un historien hors pair, sa réputation n’est plus à faire et ses biographies font référence. Mais sa biographie de Louis XIV m’a laissé sur ma faim. Ce n’est pas qu’elle soit mal faite, loin de là, mais l’auteur ne lâche pas Louis XIV d’une semelle. Le lecteur est introduit dans sa chambre à coucher, dans ses salons, dans son Versailles, il côtoie les grands personnages de sa Cour, et quand il dîne avec les courtisans il a droit à l’énumération de tous les plats que le grand Roi va déguster pendant quatre heures… Par moment on se croirait dans une émission de Stéphane Bern sauf que, avec Stéphane Bern, on voit de belles actrices qui jouent les rôles des courtisanes alors que dans le livre d’Erlanger on doit se contenter de les imaginer.

En bon historien « cocorico », Philippe Erlanger nous détaille surtout la politique intérieure du grand Roi. J’aurais voulu qu’il nous raconte avec autant de détails les grands événements de sa politique étrangère. Dans son livre ils ne sont bien souvent qu’évoqués. Par exemple, on nous signale que le grand Turenne est mort d’avoir reçu un boulet dans le ventre et que 14000 soldats français sont restés sur le carreau. Le Roi apprend la nouvelle pendant qu’il joue aux cartes et on nous dit qu’il a fait une vilaine grimace, ce qui impressionne fortement ses belles partenaires. L’auteur nous dira quand même que cette bataille s’est terminée par le traité de... je ne sais plus quoi. Et tant pis pour le lecteur qui n’a pas retenu les cours d’histoire de son jeune âge ! Il devra aller voir ailleurs les conséquences de ce traité.

Et pourtant, Dieu sait si la politique étrangère du Roi a secoué le monde ! Son siècle fut un siècle de guerres, de batailles, de conquêtes et de traités qui ont décidé du sort de l’Europe, et aussi du sort des Amériques. Louis XIV s’est confessé avant de mourir d’avoir trop aimé les guerres ; il a dû surtout regretter de les avoir à peu près toutes perdues. Cette biographie du Roi-tout-puissant nous raconte tous les événements du siècle, bien sûr, et sans en oublier un seul, mais en beaucoup trop résumé à mon goût.

Il est vrai qu’on ne peut pas raconter tout un règne de plus de cinquante ans dans un bouquin qui fait déjà près de 600 pages ; il faut faire un choix. Et le choix de l’auteur se justifie pleinement puisqu’il s’agit d’une biographie d’un Roi de France et non d’un livre de l’Histoire du monde.
Alors on sort de ce livre en comprenant à quel point le personnage du Roi-Soleil aura donné au monde un art de vivre à la française, comment il a donné à la culture française ses lettres de noblesse et comment il a porté le prestige de la France à son sommet. Mais ce Roi a aussi orienté le sort de millions d’êtres humains et, le plus souvent, pour le pire que pour le meilleur… Et de cela, cette biographie en parle trop peu à mon goût. Elle m’aura à la fois comblé et laissé sur ma faim.

Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 88 ans - 30 octobre 2020