Des lézards dans le ravin
de Juan Marsé

critiqué par Joujou, le 1 juillet 2001
(Bordeaux - 55 ans)


La note:  étoiles
Un plongeon dans une Espagne mal connue...
Une intrigue policière racontée par un étrange personnage dont je ne dévoilerai pas ici l'identité. Des personnages sensibles à qui l'on s’attache vite.
Une Espagne passionnante et passionnée que l’on découvre avec la vie du quartier de Guinardo à Barcelone. Un univers que Juan Marsé connaît bien et qu’il a rendu célèbre avec des livres comme "Teresa, l’après-midi" ou "Boulevard du Guinardo". Un roman passionnant où chaque personnage a sa place.
Avec une maîtrise parfaite des intrigues policières et une veine de conteur inégalable qui ont fait sa réputation, Juan Marsé nous donne un roman ne déçoit pas et nous emmène dans l'Espagne anti-franquiste. Il nous reconstitue magnifiquement cette époque.
Un livre à lire pour découvrir une Espagne différente, et si au hasard d'une visite à Barcelone vous passez par le quartier Guinardo, vous le verrez alors très différemment.
Il y a effectivement un lézard … 7 étoiles

Juan Marsé est catalan. Espagnol si l’on veut mais plus sûrement catalan. Et l’on comprend entre autres quel est le lien entre l’Amérique du Sud et l’Espagne. Pas que la langue (et je ne parle pas du Brésil bien entendu). Ou alors la langue aura façonné les façons de voir, de vivre, d’envisager les choses …
Ce que je veux dire, c’est qu’on retrouve dans ce roman de Juan Marsé ce travers que, pour ma part, je n’apprécie pas dans la Littérature sud-américaine : cette tendance à l’onirisme, à toujours verser dans les franges du fantastique, à décrocher du réel.
A lire la quatrième de couverture, on s’attend presque à un roman policier :

« Où est passé Victor Bartra, le libertaire anti-franquiste que la police venait arrêter, et qui s’est enfui en sautant dans le ravin qui s’ouvre derrière chez lui ? »

En fait, on a plutôt un roman où la réalité, vue à travers les yeux d’un enfant, son imaginaire et les suppositions que le lecteur peut légitimement faire en tous sens s’entremêlent et tissent un roman foisonnant où un cartésien ne retrouve à coup sûr pas ses petits. Même ses petits lézards !
L’enfant, c’est David, fils de Victor Bartra et de Rosa. Comme dit plus haut, Victor Bartra a disparu et c’est bien le fait de ne pas savoir pourquoi, comment, … qui perturbe sérieusement David. D’autant que l’Inspecteur Galvan harcèle (oh, relativement avec douceur) Rosa et l’on comprend bien que c’est plus pour avoir des contacts avec Rosa que pour retrouver Victor. On comprend bien ? Ou l’on croit comprendre, comme tout ce qui se déroule dans ce roman.
Histoire de complexifier un peu les choses, la narration est effectuée par morceaux par le frère in utero de David, pas né. Et puis il y a Bryan, un pilote de la RAF abattu pendant cette guerre (nous sommes juste au débouché de la seconde guerre mondiale) sur lequel fantasme David, comme un père de substitution et dont une photo est accrochée dans la chambre, dont on croit comprendre qu’il a pu être en relation avec Rosa. Et puis non. Et puis peut-être ?
C’est un flou artistique savamment entretenu mais qui me laisse toujours mal à mon aise. J’ai du mal avec la Littérature sud-américaine, j’ai eu un peu de mal avec ce Juan Marsé.

Tistou - - 67 ans - 1 décembre 2013


Sur le même sujet 8 étoiles

Ce livre me semble vraiment très bien et je compte le lire. Sur le même sujet, il y a aussi "Beatus Ille" écrit par Antonio Munoz Molina. Ici, il y a aussi une enquête, mais elle est menée par un jeune étudiant en lettres qui se réfugie chez son oncle, à la campagne, après avoir participé à un des derniers soulèvements étudiants contre Franco. Il va nous raconter l'assassinat d'un poète après la guerre civile, ainsi que celui d'une jeune femme. Mais qui a tué la jeune femme ? Tout le poids de l'après-guerre civile est sur les épaules des personnages. Une écriture plus que très belle ! La critique de ce livre est sur le site.

Jules - Bruxelles - 79 ans - 21 janvier 2002


Les blessures de la guerre civile 8 étoiles

1945, l'année d'Hiroshima, se déroule une histoire noire comme un polar et pourtant truculente, vive et tendre. Le narrateur inattendu en est un enfant encore dans le ventre de sa mère, "la rouquine".
Nous sommes dans les quartiers pauvres de Barcelone. Là vivaient Victor Bartra, libertaire anti-franquiste, alcoolique et contrebandier. Une nuit, il a disparu, laissant sa femme Rosa et son fils David, un adolescent exalté, la tête pleine d'acouphènes dûs aux bombardements.
Dans cette ville sous haute surveillance policière, avec ses arrestations, ses disparitions et ses exécutions, un inspecteur de police recherche Victor. Il interroge Rosa, s'intéresse peu à peu à elle, lui apporte de multiples cadeaux liés à la pénurie de l'époque : café, sucre, et puis fleurs ... David, lui, hait le policier et veut briser l'intimité qui s'établit entre celui-ci et sa mère.
L'imaginaire et le réel s'emmêlent. David dialogue avec le fantôme de son père ou avec la photo d'un pilote de Spitfire abattu, figure de père idéal.
Une fièvre romanesque et tragique parcourt ce récit touffu et extrêmement vivant, roman de la désillusion et du désenchantement.
Le monde littéraire de Juan Marsé est celui des faubourgs misérables de Barcelone et du calvaire des vaincus de la guerre civile. Il se situe à mi-chemin entre le roman noir et le réalisme régional. Il y a du Balzac chez Juan Marsé.
Né en 1933, cet écrivain qui fut d'abord apprenti-bijoutier cisèle une écriture empreinte de finesse et de poésie. Il réinvente les voies de la narration et est une des plus grandes figures du renouveau du roman espagnol.
La traduction française de ce roman est superbement réalisée.

Renardeau - Louvain-la-Neuve - 66 ans - 20 janvier 2002