Les travaux de Persille et Sigismonde
de Miguel de Cervantes Saavedra

critiqué par Joachim, le 7 avril 2006
( - 44 ans)


La note:  étoiles
A emporter en vacances
Dernier texte écrit par Cervantès, achevé quelques heures avant la mort de l’écrivain, le « Persilès » est tenu par certains pour meilleur que le « Quichotte ». En raison, sans doute, d’un découpage moins net et d’un aspect déroutant. De route il est question d’un bout à l’autre de ce roman bizarre.

Les deux héros sont issus des îles de la Mer du Nord, qui à l’époque de Cervantès relevaient plus de l’imaginaire poétique que de la géographie, malgré les tentatives contemporaines. Parti de cette cartographie commençante, Cervantès lance un voyage dans une mer semé d’îles froides peuplées de barbares, de rois et d’ermites exilés, qui sont chacune prétexte au développement d’un récit accessoire.

Au roman septentrional succède le roman méridional. Partis pour un pèlerinage à Rome, les deux créatures divines qui rêvent de se marier à l’insu de tous ceux qui les entourent deviennent les personnages de leur propre histoire qu’ils font représenter sur une toile.

Le roman procède par mises en abymes de la fiction, par ajouts et collages de péripéties et d’histoires. On traverse ainsi le Portugal, l’Espagne et la France, avant de parvenir à Rome, au terme d’un voyage qui décrit la redécouverte d’une foi catholique neuve.

L’écriture est sans cesse surprenante, le style est très bien rendu par une traduction (des Ed. José Corti) qui emprunte au français de la renaissance son vocabulaire pour rester fidèle à la verve et aux inventions de l’espagnol de Cervantès ; le texte est accompagné de notes très utiles et instructives.

Comme dans le Quichotte, c’est un roman « universel », il y est question de tout, de sorcellerie, de religion, de voyage et de cartographie, de politique, de renaissance et de vertu, dans une prose riche, intelligente en tout point.

Un grand, grand chef-d’œuvre, long mais qui fond dans les mains, étrangement (injustement !!!) peu connu par les non-spécialistes dont je fais partie, qui devraient exulter à l’idée de trouver une nouveauté pareille chez un auteur "classique".