King Suckerman
de George P. Pelecanos

critiqué par Grass, le 1 avril 2006
(montréal - 46 ans)


La note:  étoiles
qui c'est que t'as appelé p'tit gars?
C’est par pur instinct que j’en suis venu à Pelecanos et je ne suis pas déçu. De polices chez Pelecanos, il n’y en a pas ou peu (du moins ici, et ses romans semblent être sensiblement tous dans la même veine, mais peut-être que je me trompe). Pelecanos parle de la rue et de la loi qui y est faite, et quoique je n’aie pas la moindre idée de comment ça fonctionne pour vrai, la rue, il m’a tout de même convaincu.

Nous sommes à Washington D.C. en 1976 à quelques jours de la fête du bicentenaire de l’indépendance. Lors d’une « rencontre d’affaires » chez le traffiquant Eddie Spaghetti, peut-être la secrétaire avait-elle mal pris les rendez-vous, la bande de Wilton Cooper le tueur fou croise Dimitri Karras, le petit dealer grec et son ami Marcus Clay, un disquaire vétéran du Viet-nam. Karras mate un peu trop la belle asiatique allongée sur le divan et voilà, il n’en fallait pas plus pour que ça décolle. Karras et Clay feront une petite gaffe (rien du tout) qui leur vaudra d’avoir Cooper aux fesses pour les jours à suivre. Et Cooper, il n’en à rien à foutre, des bonnes manières.

Le reste de l’histoire, c’est à vous d’y voir. Mais sachez qu’il y a beaucoup plus qu’une simple intrigue. C’est une époque que campe Pelecanos avec un souci de détail et une sensibilité fort respectables. Les amateurs de musique et de cinéma seront servis. Le magasin de disques de Marcus Clay (et l’ambiance qui y règne) rappelle étrangement celui de High Fidelity de Nick Hornby, mais en version noire. Tout au long du livre, le disco-funk est présent, fournissant du coup une riche trame sonore au livre.

King Suckerman, c’est un film qui prend l’affiche au moment où prend place l’action du roman. Et chaque personnage en a entendu parler, et tout le monde veut aller le voir. C’est l’histoire d’un mac qui finira rongé par la syphillis en prison. Dur coup pour ces gangsters qui ont tout appris dans les films de « Blaxploitation », ces films par et pour les noirs. Mais celui-ci montre la vraie vie et ce qu’il adviendra peut-être de certains d’entre-eux.

Mais la véritable force de ce roman, à mon avis, c’est l’amitié entre Karras et Clay, amis d’enfance qui se retrouvent à faire le point à un certain moment de leur vie. Pelecanos nous offre de très beaux moments en leur compagnie.

Lecture fort agréable, en bout du compte, malgré un élément dérangeant, comme de la visite qui ne veut pas partir et qui parle tout le temps : le traducteur. Je ne suis pas Français, et par conséquent, il y a plein de trucs que je n’a pas compris. Je ne demande pas de tout comprendre, seulement de pouvoir ressentir l’ambiance désirée à la base par l’auteur le plus fidèlement possible, et quand je lis des gars qui s’appellent « Frangin » au lieu de « Brother », moi, ça me fait un peu sortir de l’histoire. Y’en a tout plein, de petites choses comme ça, mais j’ai lu en me disant que ça devait être vraiment bon en anglais.

Je n’en ferai pas un plat, mais je trouve que c’est beaucoup de concessions à faire pour lire un auteur américain, qui habite à quelques heures en voiture de chez moi.